Mame
Thierno Ibrahima Mbacké est né le quinze du mois de Gamou de l’année
1282 de l’Hégire à Porokhane (1862), mais certains auteurs s’accordent à
situer sa naissance au jeudi 15 du mois lunaire de Rabi al Awal de l’an «
charfadji », c’est-à-dire 1283 de l’Hégire, 1863 du calendrier
grégorien. Il est le fils de Mouhamed (Serigne Mor Anta Sally), fils de
Habib Allah, fils de Mame Maram fils de Mouhamed Al Khairy. Sa mère
s’appelle Sokhna Faty Issa Diop, cousine de Mame Diarra Bousso, fille de
Serigne Coki Ndiaga Issa, fils de Mokhtar Ndoumbé qui est d’après
Cheikh Ahmadou Bamba, le vivificateur de l’Islam. Sokhna Faty Issa Diop
est le premier disciple femme de Serigne Touba et est celle qui, selon
Serigne Moustapha Saliou fils de Serigne Saliou Mbacké (PSL), croyait le
plus à Serigne Touba.
Le jour de sa naissance, Mame
Mor Anta Saly, leur père commun félicitait notre Guide qui devait tout
juste avoir dix ans, en ces termes : «
félicitation pour la venue de ce nouveau né ( Mame Thierno), il sera
ton bras droit, en qui tu trouveras ardeur et soutien pour le grand
projet qui tepréoccupe tant.»
Ainsi commençait le parcours commun de deux destinées extraordinaires,
dont l’une a été créée pour servir l’autre, car pour Serigne Moustapha
Saliou : « Mame Thierno Birahim Mbacké est le complément de Cheikh Akhamadou Bamba Khadimou Rassoul »
qui consacra alors la première semaine de l’existence de Mame Thierno à
faire le tour de la concession de Sokhna Faty Issa Diop, afin de
solliciter auprès de DIEU, le Bienveillant, assurance et protection pour
le nouveau né. Il donna à Borom Darou, un collier qui se transmettra de
génération en génération.
À la disparition de leur père, Mame Thierno était encore un enfant ; lors de l’héritage, Cheikh Ahamdou Bamba avait dit : « je ne souhaite garder que le Livre saint et mon frère Birahim Mbacké ». Ce que Serigne Moussa Ka raconte en ces termes : « Kérok mirasma Bamba na Thierno moy sama waleu, bou amé mou doy ma.»
Comme à l’image de notre prophète Mouhamed Rassoulilah (PSL) ayant
ses fidèles compagnons de premières heures lesquels ont sacrifié leur
vie et leur patrimoine, comme le destin des hommes du Très Haut qui
connaissent souvent l’exil et la torture, Khadimou Rassoul avait signé
un pacte sacré, choisissant de s’éloigner, d’être exilé et de résister
par la patience et le wird, jusqu’à la sommité de la sainteté. Peut-on
réussir une telle mission, sans réussir l’éducation de ses héritiers ?
Certainement pas, Serigne Touba l’avait demandé à Allah et il avait
la certitude et la conviction que Borom Darou Mouhty pouvait assurer la
continuité de sa fondation. C’est-ce que nous raconte Serigne Bassirou
Mbacké fils de Serigne Touba : «lorsque le décret divin est suivi
du décret humain contenu dans le procès verbal du 28 septembre 1895,
Serigne Touba avait déjà fait ses adieux et ses prières à ses fils
aînés, et les a confiés à Mame Thierno Birahim ».
Fidèle lieutenant de son illustre frère Serigne Touba auprès de qui
il fit ses humanités, Mame Thierno, comme l’a du reste rappelé Serigne
Moussa Ka dans ses poèmes, a soutenu et épaulé Serigne Touba comme Aroun
l’avait fait pour son frère prophète Moussa.
Formation de Mame Thierno
De Mame Thierno, Serigne Touba disait : «c’est moi qui ai mis tous ce qui est en lui, sauf la dignité et le courage, Il les possédait déjà. »
Exemple de piété, de droiture, de générosité d’âme et d’humilité, Mame
Thierno était un digne, un sage et un homme d’action, soucieux du
devenir des musulmans et des mourides, dont il était un soutien à la
fois spirituel, moral et matériel. Il était sans conteste le grand
combattant qu’augurait le commentaire de Cheikh Ahmadou Bamba, en disant
:
«Au nom de Dieu le Clément, le Miséricordieux. Que le salut et
la paix de Dieu le très haut soient sur notre Maître Mouhamad, ainsi que
sur sa noble famille et ses vertueux compagnons. Nous sollicitons de
Dieu le Juge, le Puissant, l’unique, de nous préserver de tout péril et
de nous faire profiter de ses bienfaits. Qu’il bénisse notre disciple
Ibrahima de l’enseignement que nous lui avons dispensé grâce aux œuvres
que nous avons écrites après notre retour d’exil. Que Dieu, le Très
Haut, par considération de la grandeur de celui sans qui rien n’aurai
existé, Mouhammad(PSL), accorde à Ibrahima et à tous ses disciples un
profit que nul n’obtiendra jamais, et cela est si aisé pour Dieu. Nous
te recommandons la pratique de notre « Wird » et sa transmission.
Quiconque aura reçu ce « Wird » de toi jouira d’un bonheur éternel.
Signé : Le Serviteur du Prophète (PSL), Khadimou Rassoul» (Cf.Marsia Borom Darou)
Mame Thierno, un formateur
Les missions, dont Cheikhoul
Khadim le chargeait, étaient très sacrées à ses yeux et qu’il était prêt
à brader sa propre vie pour les réaliser. Il a plusieurs fois manifesté
la pleine mesure de son courage, de son mépris au danger et de sa
soumission inégalée à son Maître. Un premier exemple est la manière
héroïque dont il remplit son ambassade auprès du Gouverneur à
Saint-Louis. Il l’a également démontré lors de la construction de la
Cité Bénite de Touba. Selon Serigne Moussa Ka dans Marsia de Borom Darou
: avant de créer le village de Touba, Cheikh Ahmadou Bamba MBACKE avait
envoyé sur les lieux Borom Darou avec la mission d’y retourner la terre
sur toute sa superficie cernée et de lui trouver des feuilles de tôle
pour les besoins de la construction de cette demeure. Dans la foule de
disciples, un d’entre eux avait osé mettre en doute la réalisation des
désirs du Cheikh par geste ou réaction ; dans tous les cas, Borom Darou
instinctivement et dans une colère visible a dit à l’endroit de ces
derniers que « Serigne Touba ne
demande jamais l’impossible et lui Borom Darou réalisera tout ce qu’il
lui demandera de faire, par la grâce de Dieu ; il a fini par rapporter
1500 feuilles de tôle. »
Ce courage si caractéristique de la personnalité
de Mame Thierno n’était pas seulement physique, il était aussi moral et
spirituel. Il ne se plaignait jamais, malgré les difficultés qu’il
affrontait pour pourvoir aux besoins des disciples. Il a surmonté toutes
les épreuves, sans négliger en rien, l’éducation et la formation des
disciples de notre Maître. Citons quelques grands érudits formés à
l’école de Borom Darou : Serigne Moustapha Mbacké (premier Khalif),
Serigne Fallou Mbacké (deuxième khalif), Serigne Bassirou Mbacké,
Serigne Makhtar Binta Lô, Cheikh Momar Seye (la lumière de Ndiambour),
Cheikh Balla Thioro Mbacké, Serigne Mamadou Mbacké et Serigne Mor
Rokhaya Bousso etc…
Le Gardien de l’orthodoxie mouride, un vulgarisateur de la pensée de Serigne Touba
Mame Thierno était aussi, le porte parole, chargé de transmettre les
recommandations les plus importantes aux talibés. Parmi ces
recommandations, cette fameuses correspondance de Cheikhoul Khadim :
« Aujourd’hui, occupe toi (Mame Thierno) en permanence de
prières et de wird et ordonne à tous les disciples de s’efforcer à
remplir leurs devoirs envers Dieu et d’abandonner toute autre chose.
Ordonne aux grands disciples (les Cheikhs) de rester chez eux et de ne
pas faire trop de déplacements, à la recherche de hadiya. Celui qui en a
besoin peut se déplacer pour y subvenir. Sinon, il doit rester à sa
place. Ordonne aux femmes de s’acquitter de la prière et de faire du
bien autant qu’elles œuvrent. Ordonne aux enfants de s’appliquer à la
lecture du Coran en vue de le savoir par cœur. Paix, Miséricorde de Dieu
et sa bénédiction sur vous ».
Aussi veilla-t-il avec maestria, tact et surtout doigté à ce que la
famille du Cheikh, composée de sa progéniture et de ses disciples, ne se
départit, ne serait-ce que d’un iota, de l’esprit et de la lettre des
enseignements du Sauveur de l’humanité. C’est d’ailleurs de là que lui
est venu son titre de Gardien de l’orthodoxie mouride que tout le monde
lui reconnaît. Vouant une profonde admiration à Serigne Touba à qui, il
donnait de fortes sommes en guise de hadiya, n’ayant d’autre référence
que le livre saint, Mame Thierno était de cette race de soufis qui avait
su maintenir l’équilibre entre les deux pôles aux exigences, hélas
contradictoires, que sont le spirituel et le temporel, les mondes
intelligibles et sensibles, comme diraient sans doute les philosophes.
Il a fondé plusieurs villages dans le Cayor où l’on cultivait chaque
année plusieurs tonnes de mil et d’arachide destinées à la famille de
Khadimou Rassoul. Les plus célèbres de ces villages sont Kosso et
Chicory. Partageant son temps entre les champs et les « daaras », ne
tolérant aucune dérogation aux règles édictées par Serigne Touba, Mame
Thierno a créé plus de 90 villages autour de Touba, de Darou Mouhty et
élevé au grade de « Cheikh » plus d’une centaine de personnes (très
populaires dans le Mouridisme). On peut citer parmi ces villages : Darou
Marnane où il installa son fils Cheikha Awa Balla, Chikory où il
installa Cheikh Ousmane Mbacké auquel succéda Serigne Modou Kara Mbacké,
Kosso où son fils Mouhamadou Mbacké dispensait un enseignement réputé
etc. Ces villages historiques ont à leur tour essaimé pour donner
naissance à d’autres localités qui, elles aussi ont acquis un grand
renom, citons : Darou wahab qui revient à Sokhna Maï Mbacké, fille de
Khadimou Rassoul, Arafat légué à Serigne Moustapha Maï Mbacké, Darou
Rahman, Médina, Sarsara fondés par Serigne Modou Awa Balla Mbacké. Mame
Thierno et ses descendants n’ont fondé ces villages que pour
démultiplier les enseignements de Cheikh Ahmadou Bamba ; il s’agissait
de porter le plus loin possible, à travers le pays, l’amour du travail
et la soumission complète à Dieu.
Une reconnaissance et un renommé indiscutables
La sagesse populaire veut qu’une réputation d’érudition
ne puisse s’attacher à un individu que lorsque des érudits reconnus lui
décernent ce label. De même, nul ne peut être valablement crédité d’une
réputation de générosité tant que ses propres parents n’en attestent
pas.
Mame Thierno était donc un Homme d’une rare générosité car à ce
propos, les témoignages de ses parents, tout comme de nombreux
particuliers qui ont bénéficié de ses largesses ne se comptent plus.
Ainsi Serigne Fallou Mbacké, deuxième Khalife, qui a recommandé la célébration du Magal de Darou Mouhty, disait :
« je viens m’en ouvrir mes difficultés aux généreux donateurs de Darou
Mouhty ; il est celui dont les qualités sont louées de partout. Sa
générosité n’est jamais prise à défaut : elle est d’égale profondeur, au
moment d »abondance comme en période de pénurie.»
Citons également le grand Maître Mohamed Al Deymani qui disait :«
Ibrahima est celui qui n’a point d’égal, Généreux toute son existence,
qu’il est bon, doté d’une érudition et dont la bonne conduite, l’accueil
et la générosité profitent à tous, proches (parents) et étrangers».
Pour garder sa dignité, Mame
Thierno avait fait du travail son credo, de la foi sa protection, de la
fidélité son viatique. Il a vécu à l’image de son Maître, une vie
exemplaire à tout point de vue. Je ne doute pas un seul instant que
cette âme, entièrement dévolue au triomphe de l’Islam, est au rang des
Saints qui participent à l’accueil et à l’installation des bienheureux
au Paradis.
Les correspondances de Cheikh Ahmadou Bamba justifient ces propos, je peux en citer une :
« Au nom de Dieu, le Clément, le Miséricordieux. Dès que ton regard
(Cheikh Ibrahima) se posera sur ces mots, sois persuadé que leur auteur
est pleinement satisfait de toi, d’une satisfaction que rien ne pourra
plus gâcher. De même, l’auteur a sollicité auprès de Dieu Le Tout
Puissant des faveurs que tes semblables envieront. Réjouis-toi alors et
ne doutes point que tu obtiendras ces faveurs de ton Seigneur par mon
intermédiaire. Dieu est le garant de mes propos. »
Que peut-on demander de plus lorsqu’on reçoit une telle assurance de
l’incomparable Khadimou Rassoul ? On peut juste affirmer que ces grâces
provenant de Dieu se sont étendues à ses successeurs qui se sont tous
montrés à la hauteur de son héritage. Nous lui demandons, également, par
l’intermédiaire de nos guides respectifs de nous réserver une part
unique de ces grâces ainsi qu’à nos familles et condisciples.
Malick MARNOUCHA
Dieureudieufé borom Darou
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