Sokhna Maryama Bousso, plus communément appelée Mame Diarra, naquit
en 1250H (correspondant à l’an 1833 suivant le calendrier grégorien) à
Mbousôbé dans le Jolof, au Sénégal. Ses ancêtres eurent en effet quitté
Golleré, leur localité d’origine dans le Fouta. Mame Diarra fut la fille
du très pieux Serigne Mouhamadou BOUSSO et de la très vertueuse Sokhna
Asta Wâlo MBACKE. Serigne Mouhamadou BOUSSO, de par son côté paternel,
fut un descendant de Sayyidina Hassan, petit-fils direct du Prophète
(PSL), d’où le statut chérifien des Mbousobe. Quant à Sokhna Asta Wâlo,
elle fut la fille de Serigne Ahmadou Sokhna BOUSSO, fils du grand homme
de Dieu Mame Maharam MBACKE; celui-ci fut le père de Serigne Mame Balla,
lequel fut le père de Serigne Mame Mor Anta Sally ; celui-ci est le
père du très vénéré Cheikh Ahmadou Bamba.
Quelle noble ascendance !Mame
Diarra apprit le Coran (qu’elle écrivit de mémoire plusieurs fois)
auprès de sa mère Sokhna Asta Wâlo ; celle-ci fut un professeur émérite
en matière d’enseignement coranique et des sciences religieuses
(théologie, jurisprudence, soufisme, exégèse du Coran…) auxquelles elle
initia sa fille ; on raconte, de source sure, qu’à voir cette grande
pédagogue à l’oeuvre, on eût dit qu’elle était un homme tant son
engagement au service de son sacerdoce et son souci de la pudeur
vestimentaire étaient élevés à un degré tel qu’elle portait des habits
qui ressemblaient aux jellabas. Mame Asta Wâlo s’était résolue à réciter
nuitamment l’intégralité du Saint-Coran dans ses prières
surérogatoires. Cette figure charismatique, qui aura vécu plus de 130
ans, fut à l’origine de la formation sociale et spirituelle de Mame
Diarra.
Boroom Porokhane, comme aime-t-on à la nommer si
affectueusement, s’acquittait toujours de ses prières canoniques à
l’heure et renouvelait toujours ses ablutions avant chacune d’elles ;
elle se livrait également, depuis sa tendre enfance, à des prières
surérogatoires et à des jeûnes méritoires ; elle récitait très souvent
le recueil de prières sur le Prophète (PSL) intitule Dalâ-ilul Khayrât.
Cette âme charitable était également connue pour ses aumônes fréquents
et sa constante sollicitude envers les démunis ; sa piété, sa sainteté,
sa générosité, sa serviabilité, sa convivialité et son affabilité
étaient légendaires, qualités qui lui valurent le surnom sublime de
Jâratul Lâhi i.e la Voisine de Dieu. Sa petite fille Sokhna Amy MBACKE
exalte ces qualités morales et spirituelles dans son célèbre poème
panégyrique composé en wolof en ces termes :« ô la sainte, l’adoratrice
infatigable de Dieu suivant la Tradition prophétique ; par Sa grâce, tu
as joui de Sa Reconnaissance exaltée à travers tout le pays, ô Voisine
de Dieu ! Belle créature aux belles qualités morales, expression achevée
de la dignité, océan de générosité qui charrie ses bienfaits sans
discernement aucun, ô Voisine de Dieu » !
Sokhna Diarra eut quatre
enfants, tous exceptionnels : Serigne Mame Mor Sokhna dit Boroom Saam,
le fils aîné qui priait cent rakkas chaque nuit, Cheikh Ahmadou Bamba,
figure universelle et Miracle intemporel, Serigne Habîboullah et Sokhna
Fâty MBACKE qui disparurent durant leur enfance. L’avènement de Serigne
Touba constitue indubitablement la preuve et la consécration de la
dimension spirituelle de Mame Diarra. Comme le dit si bien un poète
wolof qui louait les qualités de Sokhna BOUSSO, « son oeuvre a produit
Mame Mor Diarra et l’intention qui la sous-tendait lui gratifia de
Cheikh Ahmadou Bamba ». Celui-ci, à la suite d’une causerie de sa sainte
mère sur la dévotion des hommes de Dieu disparus qui veillaient leurs
nuits par des Prières, se mit aussitôt à la pratique en se livrant à des
prières nocturnes, alors qu’il n’avait même pas atteint l’âge
descolarité ! En cela, le futur Serviteur du Prophète ressemblait à
Sayyidouna Mouhammad (PSL) dont Bouşayri dit : « très jeune, il s’était
habitué aux actes de dévotion et se livrait aux retraites spirituelles ;
quel bel apanage des Elus de Dieu ! »
Tout bien considéré,
Serigne Touba est un voeu exaucé pour Sokhna Diarra ; le Coran nous
enseigne d’ailleurs que « quant à ceux qui auront cru et oeuvré pour le
bien, Dieu leur rétribuera à leur juste mesure et leur décernera un
Surcroît de Sa Grâce» (Coran S 4, V 172). Ce verset qui se trouve dans
la sourate dédiée aux femmes nous renseigne par ailleurs sur la
récompense divine qui ne fait pas de différence entre l’homme et la
femme; en effet, l’égalité de traitement en matière d’oeuvre pie est
consacrée par ce verset : «Les musulmans et musulmanes, les croyants et
croyantes, les hommes obéissants et les femmes obéissantes, les hommes
sincères dans leur Foi et les femmes sincères dans leur Foi, les hommes
endurants et les femmes endurantes, leshommes pieux et les femmes
pieuses, ceux et celles qui pratiquent la charité, ceux et celles qui
observent le jeûne , les gardiens et les gardiennes de leur chasteté,
ceux et celles qui invoquent souvent le Nom du Seigneur, à tous et à
toutes Dieu a accordé Sa Miséricorde et réservé une magnifique
récompense.(S33 V 35).
Il convient de souligner que l’adoration de
Dieu pour une femme ne se limite pas uniquement à s’acquitter de ses
actes de dévotion ; en effet, s’acquitter de ses devoirs conjugaux tous
azimuts participe également de ces actes ; dans ses « conseils à Penda
DIOP », Cheikhoul Khadîm met en garde la femme musulmane : « Ne te livre
point àl’adoration de Dieu tout en désobéissant à ton époux […] Sache
que la Guerre Sainte d’une femme consiste incontestablement à obtempérer
aux ordres de son époux ». Evoquer la fameuse épisode de la palissade
pour corréler ces maximes du Cheikh avec l’attitude soumise de Boroom
Porokhane serait purement une lapalissade.Mame Diarra, de par son
exemplarité à tous égards, est l’héritière de Sayyidatouna Amina (sainte
mère du Prophète [PSL], de Sayyidatouna Asiya (épouse du Pharaon), de
Sayyidatouna Fatima (fille du Prophète [PSL] et de Sayyidatouna Maryama
ou Marie (la mère de Jésus et l’homonyme de Mame Diarra); du reste, la
ressemblance spirituelle entre ces deux Maryama est frappante : leur
sainteté et piété uniques, leurs qualitésspirituelles exceptionnelles,
leur fils prodige…
Dans le Coran, Maryama est exaltée en ces
termes : « [Rappelle-toi] quand les Anges dirent : "Ô Maryam! En vérité,
Dieu t'a choisie, t’a purifiée et t’a préférée à toutes les femmes de
l’univers” (S3 V 42). Dans son poème dédié à Sayyidatouna Maryama (la
Sainte-Marie), Cheikh Ahmadou Bamba, lui dit, entre autres : « certes,
tu es comblée de bienfaits incommensurables, ô reine des femmes
vertueuses ; Maryama, tu as assurémentdépassé auprès de Dieu les femmes
pieuses.[…] J’espère, à travers ce poème, un Agrément qui éternisera ta
Proximité avec Dieu » En tout état de cause, cette ode serait bien
taillée sur mesure pour Sokhna Diarra-la-Voisine-de-Dieu.
La
proximité de Sokhna Maryama Bousso avec le Tout-Puissant lui permit de
réaliser des miracles dont le plus célèbre est sans conteste cette
prouesse qui nous est relatée par le 3e khalif général des mourides
l’honorable Serigne Abdou Ahad MBACKE : lorsque le Cheikh [Serigne
Touba] fut précipité dans un puits profond, les angesnommés « Mala-ul
a’lâ » et ceux dits « Muqarrabûn » vinrent à son secours pour l’en
extirper ; et le cheikh de leur poser la question de savoir s’ils
agissaient sur ordre divin ; leur réponse étant négative, le cheikh
déclina leur offre ; sur ces entrefaites, un individu le prit par ses
épaules et l’affranchit du gouffre en lui disant : « va poursuivre ta
mission » ! Se retournant alors, Serigne Touba réalisa que c’était
Sokhna Diarra qui était à l’originede cette délivrance.
Sokhna
Amy, la poétesse de Boroom Porokhane, pouvait alors s’écrier à juste
titre : « Tu fis ce que nul ne fit ; tu acquis ce que nul ne put
acquérir ; tu réalisas ce dont nul n’est capable, ô Voisine de Dieu !».
La vie de Mame Diarra qui n’aura duré que trente trois (33) ans
nonobstant son oeuvre titanesque, doit faire école chez la gent féminine
musulmane en général et mouride en particulier ; comme le disait le 5e
khalif de Serigne Touba, l’honorable Serigne Saliou, l’incapacité
d’accomplir une chose ne doit pas être un motif d’abandon ; on doit
plutôt s’évertuer à imiter les gens de Dieu à la mesure de la force dont
chacun(e) dispose. En effet, la femme est un pilier fondamental dans la
société. En sa double qualité d’épouse et de mère, elle joue un rôle
décisif dans la marche et le progrès de la nation ; par conséquent, elle
doit prendre conscience que sa progéniture sera ce qu’elle en fera ; de
par la manière dont elle assumera ses responsabilités éducatives,
sociales, morales,spirituelles, temporelles vis-à-vis de ses enfants,
elle contribuera positivement ou négativement, consciemment ou
inconsciemment, à l’émergence d’une certaine jeunesse.
Chères sœurs
dans la Foi musulmane, gardez-vous donc de vous laisser berner par ces
gens qui vous font miroiter des vocables creux et galvaudés comme la
parité, l’égalité, alors qu’ils sont souvent ceux-là même qui sont les
plus prompts, toute honte bue, à se servir de vous dans le cadre des
défilés de mode, des publicités, de l’exercice infamant du mannequinat…,
autant de gangrènes sociaux qui dégradent les moeurs et ternissent
votre image et votre personnalité rehaussées par la religion islamique.
Le
Magal de Porokhane fut institué en 1951 par son illustre petit-fils
Cheikh Mouhammadou Bachir Mbacké (fils et biographe de Cheikh Ahmadou
Bamba). Celui-ci en effet lui avait intimé l’ordre d’aller s’installer à
Porokhane afin de symboliquement tenir compagnie à sa vertueuse Mère
esseulée dans ce coin du Saloum. Serigne Bassirous’exécuta et, de par
son courage, sa fidélité aux injonctions du Cheikh, œuvra inlassablement
au rayonnement de cette localité qui est aujourd’hui devenue un temple
du savoir et un lieu de dévotion qui dispose de toutes les
infrastructures modernes. Quiconque se rend à la cité religieuse de
Porokhane se rendra à l’évidence queSokhna Diarra fut indubitablement un
modèle achevé de sainteté au féminin ; elle est la seule femme dans
l’histoire de l’humanité à avoir à la fois sa propre ville, une Grande
mosquée, un imposant mausolée (qui est visité par des millions de gens
par an), un Magal annuel (qui draine des centaines de milliers de gens),
une résidence Mame Diarra qui abrite des dizaines d’appartements qui
servent de résidence aux différentes familles de Serigne Touba à
l’occasion du Magal et un complexe islamique multifonctionnel
(quiaccueille des centaines de jeunes filles, toutes ses homonymes) !
C'est
le lieu de rendre hommage à un preux chevalier du Mouridisme en
l’occurrence Serigne Moustapha Ibn Serigne Bassirou Mbacké, eu égard aux
nombreuses réalisations susmentionnées qui sont à son actif. En outre,
Serigne Moustapha a créé une fondation dédiée à Sokhna Diarra qui sert
de bailleur de fond au complexe islamique et autres activités connexes.
L’oeuvre titanesque de Serigne Moustapha est aujourd’hui pérennisée par
Serigne Mountaqa Mbacké (actuel khalif de Serigne Mouhammadou Bachir)
dont l’engagement et le dévouement pour la Voie mouride est un secret de
polichinelle. Il faut rappeler que Sokhna Diarra était venue à
Porokhane, en compagnie de Serigne Mame Mor Anta Sally qui, à l’instar
de beaucoup de ses coreligionnaires, répondait à l’appel du jihādiste
Maba Diakhou Bâ ; celui-ci en effet avait comme dessein de préserver et
de promouvoir la religion islamique qui faisait alors l’objet de
plusieurs agressions des colonisateurs français et des aristocrates
locaux.
Au terme d’une existence si courte mais ô combien riche,
la sainte mère du fondateur du mouridisme fut rappelée à son Seigneur
dans la cité de Porokhane en 1865 ou 1866 durant cette émigration
spirituelle exclusivement mue par la volonté de servir l’Islam ( hijra
fii sabiilillāh): « Et quiconque émigre pour servir la Cause de Dieu
trouvera sur terre maints refuges et vivra à l’aise. Et quiconque sort
de sa demeure, émigrant dans le but de servir la Cause de Dieu et de Son
Messager et que la mort vient surprendre, la Récompense de Dieu lui est
acquise; Dieu est, en effet, le Clément et le Tout-Miséricordieux.
(Coran, S 4 V 99).
Puisse Dieu agréer toutes les oeuvres de Sokhna
Mame Diarra BOUSSO, cette sainteté exaltée à la cité de Porokhane et
nous gratifier de son aura spirituel par considération pour son
éminentissime fils, le Serviteur Eternel du Prophète(PSL).
Cheikh Amadou Bamba Seye, professeur d’anglais, Fulbrighter aux USA.
Email:khadimulfadlu@hotmail.fr
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