Cheikh Ahmadou Bamba, né vers 1850 (dates plus retenues 1852
et 1853), de son vrai nom Ahmed Ben Mohamed Ben Abib Allah mais communément
appelé Khadim Rassoul, le Serviteur du Prophète PSL, comme bon nombre de grands
apôtres de l’Islam noir, est d’origine Toucouleur par son quatrième ascendant venu
du Fouta et installé en pays Ouolof où il épousa une femme de la race. Son arrière
grand père, Mame Marame (aussi appelé Mame Maharrame) père de Balla Mbacké,
fonda dans le Baol, vers 1772, un village baptisé Mbacké, pour perpétuer le nom
de sa famille. Balla Mbacké s’installa dans ce village avec sa famille comme
professeur enseignant le Coran. C’est là que naquit Momar Anta Salli, son fils.
Ce dernier fit tout d’abord ses études avec son père Mame Balla Mbacké, avant
de les achever avec un éminent marabout nommé Amadou Sall (appelé aussi Ahmadou
Sall), venant d’une localité appelée Bamba.
Avant de quitter définitivement Mbacké, ce fin lettré avait
demandé à Momar Anta Sali (appelé aussi Mame Mor Anta Salli) de donner son nom
à son deuxième fils. Ce qui fut fait et c’est ce fils prénommé Ahmadou Bamba,
qui, plus tard, devint le fondateur de la confrérie des Mourides.
A cours de l’invasion du Baol par le marabout Maba Diakhou,
Mame Balla M’backé fut tué, dit-on, par les peuls et son fils Momar Antasali
déporté au Saloum par Maba Diakhou. Il ouvrit alors une école coranique très
fréquentée à Porokhane et en profita pour donner une formation solide à ses
enfants. Il devint, par la suite, le précepteur des fils de Maba Diakhou Ba
parmi lesquels Saer Mati, qui devait plus tard se lier d’amitié avec Ahmadou
Bamba. Ce fut à Porokhane, vers l’année 1886, que Cheikh Ahmadou Bamba, encore
jeune, fit son apparition sur la scène politique et se lia de connaissance avec
les chefs traditionnels de l’époque parmi lesquels le Damel du Cayor, Lat Dior
Ngoné Latir Diop qui, détrôné, s’était provisoirement retiré au Saloum. Lorsque
Lat Dior fut réinstallé sur le trône, Momar Antasali regagna le Cayor avec ce
dernier et passa un séjour de plusieurs années à Patar avant de s’installer à
Mbacké Guet où il fonda un village baptisé Mbacké-Cayor. C’est là qu’il mourut vers
1860 laissant sa famille continuer à y résider. Lat Dior avait alors repris la
lutte contre les Français. En 1886, il tomba, définitivement à Dékheulé. Cheikh
Ahmadou Bamba quitte alors le Cayor pour venir s’installer à Mbacké Baol le
village de son ancêtre. Il fonda près de Mbacké Baol son propre village, Touba,
devenu aujourd’hui la grande métropole religieuse sanctuaire du Mouridisme (…)
Le Baol, à cette époque, était déchiré par l’anarchie. Son chef
Thieyacine Fall, détrôné, les principaux chefs des Tiédos Thilaw Ndaw et Bar
Diak tués, Tanaroub Gogne, grand ami du Cheikh Ahmadou Bamba devint Teigne du
Baol. Pendant son règne, de 1890 à 1895, il resta dévoué à Cheikh Ahmadou Bamba
et s’affilia même au Mouridisme. L’agglomération Mbacke Touba continuait de se
développer avec ampleur et les disciples accouraient de toutes parts vers
Ahmadou Bamba. Un ancien élève de son père, Saer Mati fils de Maba Diakhou Ba,
qui ne reconnut jamais l’autorité des français, c’était retiré en Gambie
anglaise où il entretenait d’excellentes relations avec Cheikh Ahmadou Bamba. Cette
situation ne tarda pas à inquiéter les autorités françaises d’ailleurs essoufflées
par les luttes incessantes contre les chefs traditionnels et par ailleurs
gênées par l’influence de plus en plus croissante
de Ahmadou Bamba. Lorsque ce dernier s’installa dans le Bas-Ferlo, à égale
distance des fleuves Sénégal et Gambie, entre le Djoloff, le Cayor et le Baol,
l’inquiétude des Français redoubla. Ils craignaient que ce point ne devint un
jour, vues les bonnes relations Saer-Mati-Bamba, une zone d’hostilité contre leur
influence. C’est à partir de ce moment que les Français se mirent à exercer une étroite surveillance sur Ahmadou Bamba.
Certains chefs, jaloux du prestige du marabout et surtout
craignant de voir s’affaiblir leur autorité, se mirent à tramer toutes sortes d’intrigues
contre lui. Des plaintes affluèrent vers les autorités françaises. Le Gouverneur
Thomas demanda alors à Ahmadou Bamba de renvoyer tous les disciples de leurs
villages respectifs de même qu’il ordonna aux Cheikhs consacrés par Bamba de
quitter Guet à l’issue d’une plainte du Bour Ndiambour à propos des prétendus
désordres crées dans sa province par les disciples du marabout. Ahmadou Bamba
devait demeurer dans le Baol jusqu’en 1895, date à laquelle il retourna dans le
Djoloff pour y fonder Touba-Djoloff. Les autorités françaises, intervenant de
plus en plus dans les affaires du pays, tentèrent en vain de faire pression sur
le marabout autour duquel s’étaient rassemblés les anciens amis et membres des
familles de Lat Dior, Samba Laobé, Fall ; le Bourba Djoloff, lui-même, avait
fini de s’affilier, en 1895, à la confrérie.
Alors, de l’inquiétude, les français passèrent à la panique.
La fameuse affaire du prétendu Prophète peulh apparu dans le Djoloff ressuscité
3 jours après sa mort à Ganado avait excité les esprits et devait par ailleurs servir
de prétexte aux Français pour restaurer l’ordre et décider en même temps d’une
intervention dirigée contre Ahmadou Bamba dont l’influence s’exerçait alors sur
les « bours » et les « badolos ». Son arrestation, décidée,
fut opérée le 10 aout 1895. Le 5 septembre de la même année, à l’issue d’une
réunion du Conseil privé, il fit l’objet d’une ordonnance de déportation pour le Gabon où il demeura
pendant 7 années, 7 mois, et 7 jours. En 1902, Ahmadou Bamba revint au Sénégal auréolé
de grâce et de sainteté. Durant sa longue captivité en Afrique Equatoriale, il
avait rencontré deux fonctionnaires sénégalais, Doudou Ma M’baye et Blaise
Diagne qui allait devenir plus tard le premier député du Sénégal et une figure proéminente
du monde politique de la première moitié du XXe siècle.
Ahmadou Bamba, pendant sa déportation, avait étonné ses persécuteurs
et forcé l’admiration et l’estime du siècle. Le Mouridisme, cependant, n’avait
rien perdu, ni de sa vitalité ni de son originalité pendant la longue absence
de son fondateur. Il s’était propagé avec ampleur à travers le Baol, le
Djoloff, le Cayor, le Saloum et même le Oualo. Aussi, le retour du Maître au
Sénégal fut-il salué par une ruée de fidèles accourus de tous côtés. Les autorités
françaises décidèrent de nouveau de son transfert, cette fois en Mauritanie, à
Guet El Ma, auprès du Cheikh Sidia (…) de 1903 à 1917. Il faut cependant noter
que les fréquentes assignations en résidences obligatoires dont Ahmadou Bamba
faisait l’objet n’ébranlèrent jamais sa foi et n’empêchèrent nullement les
foules d’accourir vers lui, à Thiéenne, où les autorités françaises, de nouveau,
l’avaient installé à son retour de la Mauritanie.
Le 13 janvier 1912, il fut autorisé à rentrer à Diourbel. Des
milliers de talibés en délire et des gens de toutes confessions l’accueillirent
à l’entrée de la ville (…).
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