jeudi 12 décembre 2013

Qui était Cheikh Ahmadou Bamba ?

 
Cheikh Ahmadou Bamba, né vers 1850 (dates plus retenues 1852 et 1853), de son vrai nom Ahmed Ben Mohamed Ben Abib Allah mais communément appelé Khadim Rassoul, le Serviteur du Prophète PSL, comme bon nombre de grands apôtres de l’Islam noir, est d’origine Toucouleur par son quatrième ascendant venu du Fouta et installé en pays Ouolof où il épousa une femme de la race. Son arrière grand père, Mame Marame (aussi appelé Mame Maharrame) père de Balla Mbacké, fonda dans le Baol, vers 1772, un village baptisé Mbacké, pour perpétuer le nom de sa famille. Balla Mbacké s’installa dans ce village avec sa famille comme professeur enseignant le Coran. C’est là que naquit Momar Anta Salli, son fils. Ce dernier fit tout d’abord ses études avec son père Mame Balla Mbacké, avant de les achever avec un éminent marabout nommé Amadou Sall (appelé aussi Ahmadou Sall), venant d’une localité appelée Bamba.

Avant de quitter définitivement Mbacké, ce fin lettré avait demandé à Momar Anta Sali (appelé aussi Mame Mor Anta Salli) de donner son nom à son deuxième fils. Ce qui fut fait et c’est ce fils prénommé Ahmadou Bamba, qui, plus tard, devint le fondateur de la confrérie des Mourides.

A cours de l’invasion du Baol par le marabout Maba Diakhou, Mame Balla M’backé fut tué, dit-on, par les peuls et son fils Momar Antasali déporté au Saloum par Maba Diakhou. Il ouvrit alors une école coranique très fréquentée à Porokhane et en profita pour donner une formation solide à ses enfants. Il devint, par la suite, le précepteur des fils de Maba Diakhou Ba parmi lesquels Saer Mati, qui devait plus tard se lier d’amitié avec Ahmadou Bamba. Ce fut à Porokhane, vers l’année 1886, que Cheikh Ahmadou Bamba, encore jeune, fit son apparition sur la scène politique et se lia de connaissance avec les chefs traditionnels de l’époque parmi lesquels le Damel du Cayor, Lat Dior Ngoné Latir Diop qui, détrôné, s’était provisoirement retiré au Saloum. Lorsque Lat Dior fut réinstallé sur le trône, Momar Antasali regagna le Cayor avec ce dernier et passa un séjour de plusieurs années à Patar avant de s’installer à Mbacké Guet où il fonda un village baptisé Mbacké-Cayor. C’est là qu’il mourut vers 1860 laissant sa famille continuer à y résider. Lat Dior avait alors repris la lutte contre les Français. En 1886, il tomba, définitivement à Dékheulé. Cheikh Ahmadou Bamba quitte alors le Cayor pour venir s’installer à Mbacké Baol le village de son ancêtre. Il fonda près de Mbacké Baol son propre village, Touba, devenu aujourd’hui la grande métropole religieuse sanctuaire du Mouridisme (…)

Le Baol, à cette époque, était déchiré par l’anarchie. Son chef Thieyacine Fall, détrôné, les principaux chefs des Tiédos Thilaw Ndaw et Bar Diak tués, Tanaroub Gogne, grand ami du Cheikh Ahmadou Bamba devint Teigne du Baol. Pendant son règne, de 1890 à 1895, il resta dévoué à Cheikh Ahmadou Bamba et s’affilia même au Mouridisme. L’agglomération Mbacke Touba continuait de se développer avec ampleur et les disciples accouraient de toutes parts vers Ahmadou Bamba. Un ancien élève de son père, Saer Mati fils de Maba Diakhou Ba, qui ne reconnut jamais l’autorité des français, c’était retiré en Gambie anglaise où il entretenait d’excellentes relations avec Cheikh Ahmadou Bamba. Cette situation ne tarda pas à inquiéter les autorités françaises d’ailleurs essoufflées par les luttes incessantes contre les chefs traditionnels et par ailleurs gênées par l’influence de plus en plus  croissante de Ahmadou Bamba. Lorsque ce dernier s’installa dans le Bas-Ferlo, à égale distance des fleuves Sénégal et Gambie, entre le Djoloff, le Cayor et le Baol, l’inquiétude des Français redoubla. Ils craignaient que ce point ne devint un jour, vues les bonnes relations Saer-Mati-Bamba, une zone d’hostilité contre leur influence. C’est à partir de ce moment que les Français se mirent à exercer  une étroite surveillance sur Ahmadou Bamba.

Certains chefs, jaloux du prestige du marabout et surtout craignant de voir s’affaiblir leur autorité, se mirent à tramer toutes sortes d’intrigues contre lui. Des plaintes affluèrent vers les autorités françaises. Le Gouverneur Thomas demanda alors à Ahmadou Bamba de renvoyer tous les disciples de leurs villages respectifs de même qu’il ordonna aux Cheikhs consacrés par Bamba de quitter Guet à l’issue d’une plainte du Bour Ndiambour à propos des prétendus désordres crées dans sa province par les disciples du marabout. Ahmadou Bamba devait demeurer dans le Baol jusqu’en 1895, date à laquelle il retourna dans le Djoloff pour y fonder Touba-Djoloff. Les autorités françaises, intervenant de plus en plus dans les affaires du pays, tentèrent en vain de faire pression sur le marabout autour duquel s’étaient rassemblés les anciens amis et membres des familles de Lat Dior, Samba Laobé, Fall ; le Bourba Djoloff, lui-même, avait fini de s’affilier, en 1895, à la confrérie.

Alors, de l’inquiétude, les français passèrent à la panique. La fameuse affaire du prétendu Prophète peulh apparu dans le Djoloff ressuscité 3 jours après sa mort à Ganado avait excité les esprits et devait par ailleurs servir de prétexte aux Français pour restaurer l’ordre et décider en même temps d’une intervention dirigée contre Ahmadou Bamba dont l’influence s’exerçait alors sur les « bours » et les « badolos ». Son arrestation, décidée, fut opérée le 10 aout 1895. Le 5 septembre de la même année, à l’issue d’une réunion du Conseil privé, il fit l’objet d’une ordonnance  de déportation pour le Gabon où il demeura pendant 7 années, 7 mois, et 7 jours. En 1902, Ahmadou Bamba revint au Sénégal auréolé de grâce et de sainteté. Durant sa longue captivité en Afrique Equatoriale, il avait rencontré deux fonctionnaires sénégalais, Doudou Ma M’baye et Blaise Diagne qui allait devenir plus tard le premier député du Sénégal et une figure proéminente du monde politique de la première moitié du XXe siècle.

Ahmadou Bamba, pendant sa déportation, avait étonné ses persécuteurs et forcé l’admiration et l’estime du siècle. Le Mouridisme, cependant, n’avait rien perdu, ni de sa vitalité ni de son originalité pendant la longue absence de son fondateur. Il s’était propagé avec ampleur à travers le Baol, le Djoloff, le Cayor, le Saloum et même le Oualo. Aussi, le retour du Maître au Sénégal fut-il salué par une ruée de fidèles accourus de tous côtés. Les autorités françaises décidèrent de nouveau de son transfert, cette fois en Mauritanie, à Guet El Ma, auprès du Cheikh Sidia (…) de 1903 à 1917. Il faut cependant noter que les fréquentes assignations en résidences obligatoires dont Ahmadou Bamba faisait l’objet n’ébranlèrent jamais sa foi et n’empêchèrent nullement les foules d’accourir vers lui, à Thiéenne, où les autorités françaises, de nouveau, l’avaient installé à son retour de la Mauritanie.

Le 13 janvier 1912, il fut autorisé à rentrer à Diourbel. Des milliers de talibés en délire et des gens de toutes confessions l’accueillirent à l’entrée de la ville (…).

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