Le café Touba, boisson composée de café aromatisé,
fait fureur dans les villes du Sénégal. Un phenomène de société.
Reportage à Dakar, Hélène Alex.
Tous les matins, Mbaye Niasse ouvre sa boutique
de lait caillé et se livre au même rituel, dans le quartier Sacré Cœur 3
de Dakar.
Il pose le chaudron sur le réchaud à
gaz, et fait bouillir le liquide noirâtre qui a mijoté la veille toute
la journée sur ce même réchaud.
Quand il est bien chaud, il le verse dans la grande bouteille Thermos sur le comptoir de son échoppe.Vite, vite, car les premiers amateurs de café Touba arrivent.
Le contenu du Thermos sera vendu tasse après tasse tout au long de la journée, dans des gobelets en plastique.
En attendant, Mbaye prépare le café du
lendemain: 5 litres d'eau, un kilo de café, un demi kilo de poivre de
Guinée moulu, et du sucre à volonté. Le café va bouillonner sur le
réchaud toute la journée.
La consommation en plein boom
Mbaye est l'un des nombreux vendeurs qui ont
décidé d'ajouter le café Touba à leurs marchandises, quand ce breuvage a
commencé à devenir en vogue.
Un bénéfice net de 3 à 5000 francs CFA par jour,
pas négligeable dans un pays où tout le monde court derrière l'argent
pour payer factures, riz, gaz, ou fournitures scolaires pour les
enfants.
Une nouvelle profession est même apparue: les
vendeurs ambulants de café Touba, qui, munis d'un fourneau malgache,
d'un thermos et d'une pile de gobelets, offrent au passant le liquide
sucré et musqué, pour 50 francs la tasse.
Ces “pères Noël” du café gagnent souvent plus de
5000 francs par jour, une aubaine, quand on sait qu'un gardien ou une
bonne gagnent 40 000 francs par mois. De plus, l'investissement pour
monter sa boutique ambulante est minime.
Tous les Sénégalais boivent désormais du café Touba.
A l'origine, c'était la boisson des Mourides, l'une des confréries musulmanes les plus importantes du Sénégal.
Le café Touba était servi aux visiteurs après leurs visites aux dignitaires religieux. On le buvait surtout à l'époque des fêtes.
"Kérosène"
On raconte que c'est le fondateur du Mouridisme,
Cheikh Ahmadou Bamba, connu aussi sous le nom de Serigne Touba, qui a
rapporté le breuvage du Gabon.
Emmené en exil par les colons français, Serigne
Touba, qui n'en était pas à son premier miracle, s'est vu offrir une
tasse de café empoisonnée.
Mais un ange lui serait apparu, envoyé par Dieu,
pour le prévenir, et lui dire qu'il pouvait néanmoins boire ce café,
puisqu'il était sous la protection divine.
Au lieu de l'empoisonner, le café lui aurait
donné encore plus de forces, et Serigne Touba a fait de ce café sa
boisson préférée. Il enjoignait ses disciples à en boire.
Même si certains l'appellent le “kérosène” à
cause de son goût puissant et de son odeur entêtante, le café Touba
n'est un poison pour personne aujourd'hui.
Mieux, il est en train de supplanter le café classique, le Nescafé, plus onéreux et moins pratique. Pour boire son Nescafé à 50 francs le “stick”, il faut faire bouillir de l'eau, rajouter du sucre. Pour 50 Francs, le café Touba est déjà sucré et prêt à emporter.
On prête en plus au café Touba des vertus médicales: le diar, ou poivre de Guinée, serait bon pour les yeux.
Il donne de la force et réveille comme aucune autre boisson.
Bref, le café Touba a définitivement quitté les salons religieux pour s'installer à chaque coin de rue. S'il existe dans d'autres pays, le breuvage musqué commence à devenir un véritable produit typique "made in Senegal"(...)
Source: bbc.co.uk/afrique
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire