jeudi 22 août 2013

Mame Diarra Bousso et le rôle de la femme dans la société mouride

Mais qui est donc Sokhna Mame Diarra Bousso 

Née en 1833 à Mboussobé au Djoloff, sa famille est originaire de Golloré au Fouta. Son père s’appelle Serigne Mouhamadou Bousso appelé également Serigne Mabousso. Ce dernier était l’un des plus grands érudits de son époque. C’est lui que Maba Diakhou Ba avait choisi comme « Moufty » parmi ses paires lorsque toutes les grandes figures musulmanes du pays s’étaient retrouvées  au Saloum avec le roi Maba pour sa guerre sainte. Cheikh Mouhamadul Bachir ibn Khadimou Rassol dit de lui : « MUHAMMAD BOUSSO l'imam, le grand érudit,  réunissait la pureté morale, l'honnêteté, le courage et la célébrité ». 

Quant à la mère de Mame Diarra, elle  s’appelle Sokhna Asta Walo Mbacke  descendante de Mame Mahram Mbacke. Mame Asta Walo était une femme aux grandes connaissances islamiques. Elle  dirigeait elle-même un Daara pour l’enseignement Coranique et des sciences religieuses à Naawel. Mame Diarra fut donc éduquée dans cet environnement par cette famille marquée  par la piété, le savoir islamique et l’adoration divine. Sous la direction de sa mère elle maîtrisera  parfaitement le Livre Saint et les sciences religieuses.
Elle fut donnée en mariage à cet autre descendant de Mame Mahram Mbacke, Mame Mor Anta Saly, père de notre Cheikh Ahmadou Bamba. On raconte que sur le point de rejoindre le domicile conjugal, comme c’était la coutume à l’époque, Mame Diarra  fit  le vœu suivant : «  Si ce n’était le verset du Coran qui établit  que Mouhamed (PSL) est le dernier Prophète, je puis affirmer que j’aurai   un fils qui sera   Prophète ». C’est cet état d’esprit et cette détermination qui animaient  Sokhna Diarra  et qui la poussaient à ne ménager aucun effort pour avoir l’agrément de Dieu et de son conjoint. Elle eut  un fils aîné appelé Mame Mor Diarra et un second, le vénéré Cheikh Ahmadou Bamba. Elle disparut  en 1866 à Porokhane et y fut  enterrée. Elle n’aura vécu que 33 ans pour réaliser l’œuvre  immense que nous célébrons au Magal de Porokhane. Mais on peut dire que  le rayonnement du Mouridisme aura été sa Récompense par le TOUT-PUISSANT.

Les qualités de Mame Diarra Bousso

De son vrai nom Sokhna Mariama Bousso, elle est plus connue sous l’appellation de Mame Diarra, ou « Diaratoul-Laah » (Voisine de Dieu) du fait de sa piété et de ses adorations Divines permanentes. 
Son petit-fils Cheikh Mouhamadoul Bachir décrit mieux ses qualités et son rôle dans l’éducation de Cheikhul Khadim dans sa biographie qu’il lui a consacrée, Minanil Baaqil Khadim (Les Bienfaits de l’Eternet) :
“Sa mère, Diaratoullah, Maryam Bousso, était pieuse, chaste et fidèle. Toute soumise à son Seigneur, elle accomplissait très fréquemment la prière, le jeune du Ramadan, et l'aumône légale, et tenait à s'acquitter sincèrement des devoirs que la religion lui imposait à l'égard de Dieu et de son conjoint, le Cheikh imam. Elle éduquait ses enfants de manière à développer en eux la bienveillance, le sentiment religieux et la pureté morale. Souvent elle leur racontait les histoires des pieuses gens afin de les inciter à suivre leur exemple. Doué d'une intelligence étonnante et d'une nature pure, notre Cheikh écoutait attentivement ces histoires et les apprenait par cœur. En plus, il se mettait à imiter les saints hommes avant même qu'il atteignit l'âge de la maturité.
Un parent digne de confiance m'a raconté qu'il [Ahmadou Bamba] avait entendu Diarra dire qu'il était dans les habitudes des pieuses gens de prier durant la nuit. Ayant appris cela, notre Cheikh se mit à prier dés que la nuit tombait, et sortit sur la place du village pour méditer dans l'obscurité de la nuit, comme le font les dévots.
Regardez  comment Dieu s'occupa si soigneusement de notre Cheikh en lui faisant prendre de bonnes habitudes avant même l'âge adulte. Il ressemblait à celui dont Al-Busary a dit: "Tout jeune, il accoutuma à la dévotion et à la solitude, "ce qui est la conduite des hommes distingués"”
Aujourd’hui le rayonnement de Mame Diarra, son influence dans la société sénégalaise, son nom porté par des centaines de milliers de femmes (dans presque chaque famille mouride, au moins une femme porte son nom – « Mame/Sokhna Diarra » - « Mame/Sokhna Bousso» - « Mame Mariyama » - « Diariya » etc…), constituent un véritable miracle de Dieu pour une figure qui n’a vécu que 33 ans.
Depuis 1999, une Fondation Mame Diarra a été créée par Serigne Moustapha Bassirou. Le Fondation compte aujourd’hui 65 000  membres regroupés dans 1800 Dahiras affiliés.A l’actif de cette fondation, la construction de deux résidences « Mame Diarra » pour les hôtes de Porokhane, la Construction d’un Daara moderne de jeunes filles qui portent le nom de Mame Diarra (450 élèves en internat, entièrement prises en charge par la fondation). La rénovation du Mausolée de la marraine de la fondation (en cour).

Les Dignes héritières de Mame Diarra

L’exemple de Mame Diarra aura inspiré des générations entières de femmes musulmanes. On peut citer quelques exemples pour illustrer notre propos. On raconte que les filles de Serigne Touba quand elles maîtrisaient le Coran et écrivaient  un exemplaire du Livre Saint, elles l’apportaient à leur père  avec un repas  préparé de leur propres mains montrant ainsi qu’elles alliaient le savoir et l’ingénierie domestique. Sokhna Mouslimatou, Sokhna Mouminatou, Sokhna Maimounatou pour ne citer que ces trois filles de Khadimou Rassol plus connues par les générations actuelles, se distinguèrent par leur savoir et leur piété. Certaines autres femmes leaders  mourides moins connues ont joué un rôle majeur dans l’éducation des jeunes filles, leur formation et l’assistance aux femmes de toutes les couches de la société, notamment dans les différents villes/villages mourides en les regroupant en Dahiras et groupements féminins.
C’est le cas de Sokhna Mame Faty Mbacke  fille de Sokhna Mouminatou citée plus haut. En effet cette brave femme présidente du GIE Massalikoul Djinane de Dendèye se distingue par son aide aux villageoises en les regroupant pour la production et la transformation de produits agricoles dans le village de Dendeye. Le double lauréat du Grand prix du Chef de l’État, Sokhna Mame Faty Mbacké, est aussi une digne héritière de Mame Diarra Bousso.
On peut  citer également l’exemple de Sokhna Mously bint Serigne Modou Bousso Dieng qui travaille depuis plusieurs années avec beaucoup de courage dans l’enseignement privé. Elle a créé sur fonds propres  un jardin d’enfants islamique qui compte aujourd’hui 80 élèves et un internat coranique pour filles à Touba avec 48 enfants. Elle aussi est un exemple à suivre par les femmes mourides, notamment l’élite féminin de la communauté.

Aujourd’hui certaines femmes, malheureusement au nombre trop limité donnent des conférences islamiques pour éveiller la conscience de leurs sœurs au Sénégal et à l’étranger. C’est le cas de Sokhna Mame Awa Deme ainsi que de Sokhna Aminata Lo.

Contre exemple et problématique d’un leadership féminin mouride

Malheureusement le spectacle qu’offrent certaines femmes lors de cérémonies religieuses montrées à la télévision est le parfait exemple à ne pas suivre. En effet, des  jeunes filles  et des femmes mariées n’hésitent pas à s’afficher sans foulard, la peau dépigmentée et/ou avec des habits non-conformes  à l’Islam. Certaines autres fréquentent des lieux de spectacles mondains, distribuant des billets aux griots qui chantent leurs louanges.
Force est de reconnaître que ces phénomènes sont  la résultante directe de la négligence par certains parents dans l’éducation islamique en particulier et dans l’éducation tout court  de leurs filles. Beaucoup de filles ne fréquentent l’école que pendant trop peu de temps ou ne la fréquentent pas du tout. Ces filles qui n’apprennent que quelques notions islamiques sont plutôt orientées vers l’apprentissage des travaux ménagers. Elles sont  parfois  données en mariage de manière trop précoce.
Ce problème de l’éducation et de la formation des filles explique sans doute l’absence presque totale des femmes dans les instances de décisions de la communauté. Par exemple, rares sont les femmes qui sont membres aujourd’hui de la commission d’organisation du Magal de Touba. La communauté rurale de la ville sainte est quasi exclusivement composée d’hommes.

Solutions et perspectives à considérer

Toutefois, il existe des solutions :
  • ·         Renforcer l’éducation islamique  des femmes ;
  • ·         Augmenter  leur rôle dans les instances de décision du Mouridisme (comité d’organisation du Magal, communauté rurale de Touba etc…) ,
  • ·         Amener les femmes Mbacke Mbacke et de la hiérarchie mouride à devenir de véritables guides/leaders religieux pour les autres femmes. Par des œuvres similaires à celles de leurs frères hommes telles que la construction de Mosquée, de Daraa, la conduite de conférences/sermons islamiques pour les femmes. Un tel comportement inciterait des talibés surtout féminins à leur donner des « Hadiya » à réinvestir dans l’Islam comme pour leurs frères  guides religieux.
Aujourd’hui tout le monde a son rôle à jouer dans l’émergence d’un leadership féminin islamique ; notamment par l’éducation islamique poussée des jeunes filles. Il y va de la préservation dans notre société des valeurs musulmanes qu’incarnait Mame Diarra Bousso. Les femmes leaders musulmanes  doivent multiplier la sensibilisation de  leurs sœurs pour un nécessaire changement de certains comportements contraires à l’Islam.

Cheikh Fatma Mbacke,
Ingénieur informaticien, 
Imam à la Mosquée de Serigne Moustapha Bassirou Mbacke, Au Golf Nord Hamo 4

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