Même
si les mourides parlent plusieurs langues, ils ont un langage imprégné
par le tawhid, la science qui enseigne l’unicité de DIEU, le Créateur
de l’univers. Le langage mouride est doux et succulent, mais
extrêmement dense et grave. Il est appel et rappel, souvenir et
exortation. Il se situe au commencement et prépare la fin. C’est le
tawhid incarné dans le verbe et par le verbe. La crainte divine
transportant la parole. Ceci grâce aux enseignements de Serigne Touba,
khadimou Rassoul. Cet homme dont chaque inspiration et chaque expiration
exaltaient la crainte de DIEU et l’espérance en même temps. J’en
rapporte comme illustration la dernière rencontre de Cheikh Chouhaibou
Mbacké avec son vénéré père et Maître Serigne Touba. Cet entretien m’a
été relaté par Serigne Modou Mahmoud Niang, mon maître et ami.
C’était
un samedi après la prière de Tisbar à Touba. Comme d’habitude Serigne
Modu Mahmoud était assis au milieu de son lit habillé d’un boubou baxa,
bleu indigo avec un kaala, un turban blanc le regard plein de
compassion. Ce qui apparaissait de son corps en l’occurence son visage
était couvert par une couleur noire éclatant de brillance. Un noir
nature. Qui était relevé par une belle rangée de dents blanches qui
n’apparaissaient que pour me mettre en confiance et me témoignaient de
tout l’amour que Serigne Mahmoud me portait. A peine assis avec mes amis
Farba et Oumar, Elimane, un de ses fils arrivait avec un thermostat de
café et des tasses.
Au moment du service, Cheikh Mahmoud
qui s’entretenait avec moi apostropha Elimane en ces termes: -Dis
toujours bismilah au nom de DIEU avant de servir. Devinant notre soif
d’anecdotes due à son statut de compagnon et confident de la plupart
des fils de Cheikh Ahmadou Bamba il s’adressa à nous. _ La scène que je
vais vous raconter c’est Serigne Souhaibou (un fils de serigne touba)
lui même qui me l’a raconté. -Alors qu’il était élève et élevé par
Serigne Hamsatou Dakhaté son oncle, un jour,ils sont partis voir
Serigne TOUBA à Njaareem, Diourbel. Dés qu’ils furent arrivés dans la
pièce Serigne Souhaibou fut tout d’abord surpris par l’attitude de son
maître Serigne Hamsatou. Celui ci était déjà à terre, le bonnet retiré
dans une position tellement respectueuse. Serigne Souhaibou se dit dans
sa tête « ndekete sama serigne amna serigne ».Ce jour là Serigne Touba
leur servit du café en disant à serigne hamsatou de formuler des
voeux. Il lui répondit « MBACKé, tu es le mieux placé pour formuler des
voeux pour moi ». « Mbacké yow mi mënë fass, fassal ma ». Le cheikh lui
dit j’ai demandé pour toi l’obtention des dons du coran ainsi que sa
baraka de même que de la teranga.
Tous les contemporans
de Serigne Hamsatou savent que ce dernier a vu exaucer tous ses voeux.
Lui qui était haafizul quraane, il connaissait le coran par coeur et
l’a enseigné à des milliers de personnes à travers sa personne et les
élèves qu’il a formés et qui sont devenus à leur tour des professseurs.
Voici la barakat. Quant à téranga il l’avait aussi car des dons
affluaient de partout en se dirigeant vers sa maison. C’est ce jour là
que Serigne Touba avait recommandé à Serigne Sohaibou de toujours dire
Bismilah avant d’entreprendre quoi que ce soit dans la vie de tous les
jours. Car Serigne Touba lui avait demandé un certain nombre de tâches
et à chaque fois il lui disait, « Souhaibou il faut toujours commencer
par dire bismilah. » Serigne Souhaibou rapporta à Serigne Modou Mahmoud
que ce qui l’avait le plus marqué c’est la constance de la basmallah
dans la bouche de Serigne Touba. Car c’est lui qui avait préparé le
café et le servait. A chaque fois qu’il prenait une tasse il disait
bismilah, quand il versait le café il disait bismilah et quand il te
tendait la tasse il disait bismilah.Serigne Souhaibou fut encore plus
impressionné quand le muezzin appela à la prière. Car à peine a-t-il
entendu l’appel que Serigne Touba se mit debout et attrapa son kala
turban qu’il mit autour de sa tête et disparut tout en récitant le
coran. « Serigne Souhaibou », me dit Serigne Modou Mahmoud Niang , m’ a
dit que c’est la dernière image qu’il a gardée de son père Cheikhul
khadim.Oui, « dés quil entendit l’appel du muezzin, il se leva
précipitamment ,prit son kaala et tout en récitant le coran disparut de
leur vue…
Ce que je voudrais souligner c’était cette
pésence constante de DIEU dans les actes du Cheikh qui disait aux
colons » Ramenez -moi là où DIEU n’est pas. » Autrement, vous ne
pourrez rien contre ma personne ou ma foi car wallahu yu daafihu hanil
lëzina aamanu, DIEU est le défenseur des croyants. Cette foi
inébranlable , le maître l’a transmis au disciple mouride. Rappelons
nous de son lieutenant Mame Thierno Ibrahim qui répondait
invariablement par « Alhamdulilah » quelle que soit la teneur des
nouvelles, bonnes ou mauvaises. « Le sommet de la sagesse est la crainte
de DIEU ». Tout musulman connaît cette sentence. Quant au mouride il
le vit à travers son verbe avant d’entrer en action.
Quotidiennement
le mouride qui mange ne va pas dire « je mange », il dit « maangui
xéewlu » c’est à dire je suis entrain de me régaler des biens qui
proviennent de DIEU, Xéewël signifiant bienfait, bien dont on a été
gratifié par DIEU. Ou en invitant quelqu’un à sa table, il dira «
Serigne bi Kaay barkeelu ». Le musulman n’est-il pas à la recherche de
la barakat ? Quand il a fini de manger le mouride ne dit pas « je suis
rassasié ou je suis rempli » comme avait l’habitude de dire un de mes
amis soninké. il dit « Sant naa ».Quoi? Qui? Dieu merci. Merci de
m’avoir nourri. Quand le mouride se met à partager quelques friandises ,
quand il n’y en a plus, il ne dit pas « c’est fini » « jeexna » mais
« mattna » autrement dit c’est complet .La part que Dieu nous a
attribué. Mais il en reste car les bienfaits de DIEU sont infinis. Quand
il part se coucher, le mouride ne dit pas « je vais aller dormir »
mais « maangui dall lu ji » je vais aller me poser. Pourquoi? Car
l’homme ne doit pas être un oisif. L’homme dans sa vie doit toujours
être en action, au service de sa communauté, au service des créatures
pour l’onction du Créateur. Et quand il tue un animal, le mouride
utilise le terme « lewetal ». Car DIEU seul est doté de la puissance de
tuer, d’ôter la vie.
Alors le mouride dit « je l’ai
rendu doux ».Et dans la vie de tous les jours quand on demande à un
mouride comment il va. Il répond toujours « Sant rekk », « maangui sant
bu baax » « sant ak muñ » « sant ak muuñ »ou « sant bay fecc » ou
« sant, muñ ak moytu »selon son haal ou ses épreuves. Alors si l’on
sait que « sant », chukr en arabe ou rendre grâce a comme contraire «
kuffr » « weddi », comme nous l’a enseigné Cheikh Saalih, on prend
toute la mesure du langage mouride qui est un véritable musulman, celui
qui est soumis à la volonté divine contrairement au rebelle.
Aujourd’hui le sénégalais a adopté ce mode de salutation .Après le
salam d’usage, quand tu demanderas à n’importe quel sénégalais comment
il va , il te répondra « maangui sant » c’est à dire DIEU merci. Mais
continuons notre voyage au pays du langage des soufis mourides. Ainsi
on verra que le mouride est tellement probe, tellement prudent que
quand on lui demande si quelqu’un est entrain de dormir ou pas, si
quelqu’un s’est réveillé ou pas, il répondra « qu’il na pas encore
ouvert ses portes, ubeegul. Car il ne sait pas ce qui se passe à
l’intérieur. Rien ne lui indique ce qu’est entrain de faire la personne.
Un croyant ne doit pas avancer des propos dont il n’est pas sûr.
Jullit day Maandu. Quant à sa maison, le mouride l’appelle « dall bi »
ou « lieu d’hébergement » car comme un voyageur, il n’est que passager
dans cette maison quelle que soit la solidité des colonnes qui
retiennent la bâtisse. Nos véritables demeures ne sont elles pas le
paradis pour les vertueux .
Ce langage mouride inspiré par la
crainte divine et voilé de sagesse est aussi empreint du respect de
l’autre. Ainsi quel que soit le genre masculin en face, le mouride
l’appellera « Serigne bi » car Serigne bi, c’est le qualificatif le
plus respectueux, l’état le plus noble auquel aspire un musulman.
L’incarnation de la sagesse, une présomption de connaissant aalim
accordée à l’interlocuteur…jusqu’à preuve du contraire. Quand il
parlera ou quand il agira. Jamais avant. Quant à la femme, le mouride
l’appellera « soxna-ci , femme vertueuse » ou l’incarnation de la mère
de la plupart de nos maîtres spirituels, les sages. Jusqu’à preuve du
contraire. Quand elle agira ou quand elle » se dévoilera ».Quant à
l’enfant, le mouride l’appelle « tuuti tank » « petit pied » car
rappelle-toi, toutes les âmes ont été créées le même jour. ce jour là
toutes les âmes ont répondu « ballé » oui, c’était YAWMA ALASTU quand
DIEU déclara « Ne suis -je pas votre Seigneur ». « Oui » ont répondu
toutes les âmes. Le mouride se rappelle encore de ce jour et tient à
honorer ce pacte avec son Créateur. Du fait de son passé de paysan, le
mouride dira toujours « maangui dem ci tool yi fût-il commerçant à
Sandaga ou trader à la City ou à Wall Street, fût-il enseignant ou
ouvrier. Il va aux champs afin de récolter des bienfaits qui l’aideront
à rester cet homme libre, qui ne tend sa main qu’à DIEU . Le travail,
un moyen pour pouvoir adorer correctement DIEU devient sain, saint,
sanctificateur et sanctifiant.
Quand quelqu’un meurt le mouride
dira « nelawna » c’est à dire qu’il dort. Ce qui veut dire qu’il va se
réveiller. Le mouride croit au jour de la résurrection . Mahshar. C’est
ce jour que les corps sortiront des tombes pour répondre à l’appel. Il
dira aussi de quelqu’un de décédé qu’il a accompli sa tâche « wacc na
ligéey ». Le mouride , il est sur terre pour engranger des bonnes
actions car DIEU dit dans le Coran sourate Al Mulk « Béni soit Celui
qui détient le pouvoir suprême et Qui est tout puissant, Qui a créé la
mort et la vie pour vous éprouver et connaître ceux d’entre vous qui se
conduisent le mieux. »Sourate 7 verset 1 et 2. Quand le mouride prend
congé de quelqu’un il lui dira qu’il déplace juste sa personne , sa
carcasse physique bien entendu; »maangu toxal jëmm ji ». Car les âmes
vertueuses et bien inspirées ne se séparent jamais. Et l’autre mouride
de répondre « Inna Laha Mahanaa » « DIEU est avec nous. »
Votre serviteur Serigne Modou Mamoune NDIAYE, Fondateur du groupe khassida.com
Samedi 07 Novembre 2009 Gaawu 19 dhol qi’dah 1430 depook Magalu Daaru Salaam.
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