mardi 23 août 2016

DAROU SALAM CÉLÈBRE SON HÉROS - Mame Cheikh Anta Mbacké en chiffres et en lettres…

Ckeikh Sidy Moukhtar Mbacké, communément appelé Mame Cheikh Anta, ou l’argentier du Mouridisme est né dans les années 1860 à Porokhane, dans le Saloum (les dates mentionnées varient de 1860 à 1867 selon les sources). Fils de la vertueuse Mame Anta Ndiaye, cousine de Sokhna Diarra Bousso et de Momar Anta Saly, il est le frère cadet d’Ahmadou Bamba.  



SES ÉTUDES 

Il a appris le Coran auprès des maîtres coraniques célèbres de l'époque. Le plus connu parmi eux, pour lui avoir enseigné le plus est Cheikh Abdourahmane LO. C’est auprès de son grand frère Serigne Mor Diarra qu’il a étudié les sciences religieuses avant de rejoindre Cheikh Ahmadou Bamba qu’il ne quittera plus jamais.  

SON ÉDUCATION   

Mame Cheikh Anta voyait en son frère Cheikh Ahmadou Bamba un homme de Dieu, un guide spirituel qui transformait, à courte durée, l’état de ses compagnons et améliorait leurs actes. Il n’avait pas hésité à se soumettre à ses ordres. Il lui vouait une obéissance totale et cherchait à chaque instant à le satisfaire. Il a été parmi les personnes à recevoir directement l’éducation du Cheikh et sa formation. Celui-ci accordait une attention particulière à la formation de son disciple et frère; il le préparait aux tâches importantes qu’il devra assumer par la suite en faveur du mouvement mouride et de ses fidèles. Faisant preuve d’une parfaite disposition à recevoir cette formation, Mame Cheikh Anta était devenu l’un des hommes de confiance du Cheikh et l’un de ses conseillers les plus proches, leurs correspondances en constituent une parfaite illustration.  



MAME CHEIKH, UN HOMME MULTIDIMENSIONNEL  

A l’instar de tous les grands hommes du Mouridisme formés par le Cheikh, Borom Gawaan était un éducateur spirituel ayant sous sa direction plusieurs daaras. Il s'est d'abord employé à démultiplier l'enseignement du Maître. Et dans ce domaine, il s'est montré si efficace que bientôt il reçut l'allégeance d'une foule nombreuse de talibés. Il les organisa en daaras productifs et prospères à l'image de Gawane qu'il fonda en 1905 non loin de la localité de Bambey. Dans ces daaras, ses disciples exerçaient comme activité secondaire une agriculture de grande envergure. Cependant il ne se contentait pas de cette activité traditionnelle qui ne satisfaisait pas ses grandes et nobles ambitions pour plusieurs raisons.  

D’abord, il y avait devant lui ce mouvement naissant dirigé par son frère et guide qui était confronté à d’énormes difficultés et entouré de menaces de la part des ennemis de l’Islam. Les disciples subissaient de graves désagréments. A cela s’ajoutaient les nécessités de la vie quotidienne et les recommandations de l’Islam qui font de l’aide aux nécessiteux une obligation.  

Borom Gawaan ne pouvait avoir la conscience tranquille devant cette situation préoccupante qui nécessitait pour l’atténuer ou pour s’en sortir, l’assurance d’une autonomie financière.  

Après avoir bien analysé la situation, il se lancera dans le domaine de l’investissement; il importait et tissait de vastes relations commerciales avec de grands financiers de son époque. De par ses activités d'opérateur économique, il va acquérir un solide réseau de relations. Mais il n'en a jamais abusé pour obtenir des passe-droits ou des privilèges illégaux. Tout juste s'en est-il servi pour la promotion et la préservation des intérêts de la communauté. Il est à noter que cet homme très au fait de la charia n'a jamais employé de moyens illicites dans ses transactions avec ses partenaires d'affaires. Il deviendra ainsi l’un des plus importants hommes d’affaires du pays. Il possédait des biens, des fonds, un parc automobile impressionnant et plusieurs magasins. Il a été même considéré en 1919 comme l’homme le plus riche du pays. Mais avec une générosité légendaire, Mame Cheikh Anta consacrait tous ses biens au service des musulmans, en général, et des mourides en particulier. C'est en tout cas son exceptionnelle prospérité financière et sa propension à faire le bien autour de lui qui lui valut l'appellation " Borom Dërëm ak Gërëm "  



MAME CHEIKH ANTA ET LA POLITIQUE  

Il s’intéressait aussi à la vie politique du pays. Il observait ses importantes mutations en suivant de très près les informations. Il  a même cherché à avoir une certaine influence sur cette politique en soutenant l’un des acteurs en compétition afin de sauvegarder l’intérêt général et celui des musulmans. C’est ainsi qu’il avait porté son soutien à la candidature de Ngalandou Diouf à la députation au parlement français.  

Sa déportation à Ségou  

Cette attitude de Mame Cheikh Anta durant ces élections lui avait valu la colère de Blaise Diagne, l’adversaire de Ngalandou. Après avoir fomenté de fausses accusations, Blaise avait donné l’ordre de l’interner à Ségou de 1929 à 1935. Dans une déclaration, Serigne Mbacké Bousso a défendu la position de Borom Gawaan en prouvant sa bonne foi et son innocence, en démontrant que son accusation n’était en fait qu’une machination sans aucun fondement.   

En réalité, cette déclaration était davantage un soutien moral et une dénonciation de cet acte odieux qu’une simple preuve de l'innocence de Mame Cheikh Anta. Elle illustre bien par ailleurs, la profondeur des relations entre les deux hommes.  



L’ACTION DE L’HOMME 

Borom Gawaan avait consacré toute sa vie aux œuvres profitables à l’ensemble des musulmans, à la contribution à la prospérité de la communauté mouride et au soulagement des souffrances des fidèles.  

Ayant comme slogan ce verset du Saint Coran « Tout ce que vous dépensez dans la bonne cause, Dieu le saura », Mame Cheikh Anta avait toujours fait preuve d’une générosité légendaire dans les moments difficiles. Ses réalisations sont ainsi innombrables, toutefois, nous tenons à en citer à titre d’exemples quelques unes :  

- lors d’une grave sécheresse, il avait distribué aux sinistrés une quantité de riz estimée à plusieurs milliers de tonnes;  

- il prenait en charge et sauvegardait les infrastructures de la communauté contre les oppresseurs et les agresseurs;  

- il soutenait les petits commerçants en leur accordant beaucoup de facilités sur le plan financier;  

- pour le compte de son maître, il s’acquittait de certaines obligations familiales comme en 1922, où c'est lui qui conduisit la délégation que Khadimou Rassoul envoya à Tivaouane pour présenter ses condoléances lors du rappel à Dieu de Seydi El hadji Malick SY;  

- il intervenait beaucoup auprès des autorités coloniales, tantôt pour recueillir des informations concernant son frère et maître, tantôt pour demender le retour de ce dernier;  

- il a aménagé des routes à Diourbel pour faciliter l’accès des visiteurs à la résidence du Cheikh;  

- il a été le premier à faire imprimer un recueil de poèmes composés par le Cheikh ;  

- il a réalisé l’un des vœux chers du Cheikh en faisant le pèlerinage à la Mecque en compagnie de Serigne Fallou Mbacké et d’autres prédestinés.  

L’HISTOIRE DE SON PÈLERINAGE À LA MECQUE  

Les péripéties de ce voyage sont racontées dans un récit écrit par Serigne Fallou lui-même.  

Le 07 mars 1928, au nom de toute la communauté mouride et notamment à la mémoire de Serigne Touba, Mame Cheikh accomplit le pèlerinage aux Lieux Saints de l'Islam. Cette expédition mémorable fut effectuée en compagnie de Serigne Fallou Mbacké. Egalement de la partie, il y avait Serigne Mbacké Bousso, Serigne Moulaye Bousso, Serigne Tacko Mbacké (second fils de Mame Cheikh Anta). Trois de ses principaux talibés complétaient la délégation. Il s'agit de Serigne Modou Ndiaye Diop, Serigne Ibrahima Dia, Serigne Mayoro Fall.  

Mame Cheikh Anta finança entièrement l'expédition de sa poche, depuis les billets en première classe jusqu'aux provisions consommées durant tout le voyage. Les escales en France, au Caire, comme le séjour en Terre Sainte ont été impressionnantes, tant Mame Cheikh, en aucune fois n'a lésiné sur les dépenses, pour assurer la qualité à ses compagnons d'équipée.  
Des Lieux Saints, il rapporta diverses reliques dont un manuscrit du Coran reconnu parmi l'un des plus anciens qui existe. Il rapporta également les couvertures qui revêtaient les mausolées du Prophète (P.S.L.) et de ses principaux compagnons (que Dieu les comble de bienfaits.) Ces couvertures serviront à recouvrir les mausolées de Khadimou Rassoul et de ses principaux disciples. Mame Cheikh Anta se réserva celle de Seydina Hamza, un oncle et fidèle compagnon du Prophète (P.S.L.), afin que son propre mausolée en soit paré après sa disparition.  



SES RELATIONS AVEC SERIGNE TOUBA ET FAMILLE 

Borom Gawaan entretenait d’excellentes relations aussi bien avec le Cheikh et ses proches qu’avec les autres.  

Les profondes et exceptionnelles relations spirituelles qui le liaient à son frère et maître depuis sa tendre enfance se sont renforcées au fil des années. Fidèle entre les fidèles, Mame Cheikh Anta a été l'une des rares personnes à avoir rendu visite à Serigne Touba dans son exil gabonais (il l'a trouvé à Lambaréné). De ce voyage mémorable, il a rapporté des écrits du Cheikh qu’il imprima par la suite. Il a également rapporté des directives destinées à Mame Thierno Ibra Faty qui avait en charge les destinées de la communauté en l'absence du Maître. Il a surtout rapporté aux talibés la certitude que le Maître était bien vivant et qu'il allait revenir parmi les siens, contrairement aux informations distillées par l'autorité coloniale dans le but de les démoraliser.  

Quant à ses liens avec ses proches et les autres figures du mouridisme, ils étaient bien connus : il jouisssait du respect et de l’amitié de tous sans exception aucune. Toutefois, l’amitié qui le liait à Serigne Mbacké Bousso et à Cheikh Mouhammad Fadel était singulière. Profondément touchés par sa déportation à Ségou, chacun lui avait témoigné son soutien ; l’un par écrit et l’autre par une visite qu’il lui a rendue à Ségou et au cours de laquelle il lui a prédit la fin des épreuves et son retour imminent à son pays.  

Par ailleurs Mame Cheikh Anta avait tissé de vastes et bonnes relations avec le monde extérieur en raison de ses activités commerciales.  

En somme, la vie de cette personnalité témoigne d’une ferme et sincère détermination, d’une vision extraordinaire et d’un dévouement inégalable au service du Cheikh, de ses disciples et de l’ensemble des musulmans.  

L’importance et la portée de ses positions nous rappellent en effet le troisième khalife de l’Islam Sayyidina Ousmane ibn Affan que Dieu l’agrée de ses largesses.  

Le fait que Cheikhoul Khadim lui ait confié Darou Salam, son premier village, et lui ait réservé l’honneur de sa réception à son retour d’éxil au Gabon illustrent parfaitement sa confiance et son estime pour son frère et disciple Cheikh Anta. Ces festivités, demeurées mémorables, sont chaque année commémorées dans la ferveur et l'enthousiasme. C'est le fameux Magal de Darou Salam qu'on peut considérer comme le premier magal organisé par la communauté mouride.  

Borom Gawaan a été rappelé à Dieu en mai 1941 à Darou Salam où se trouve son mausolée.  



SES KHALIFES  

L’œuvre de Mame Cheikh Anta a été perpétuée par des Khalifes qui ont pour caractère commun leur intransigeance contre les appâts des mondanités, leur rejet de la compromission avec le pouvoir temporel et le caractère tranchant de leur discours qui rejette tout ce qui n’est pas l’Islam et le service de Serigne Touba. Ainsi, se sont tour à tour distingués :  

Serigne Modou Mamoune Mbacké (1941 -1969), celui-là même que Serigne Touba a dépeint comme un homme exempt de péché.  

Serigne Tacko Mbacké (1969 -1975) qui avait accompagné son père dans son pèlerinage à La Mecque. Les anciens s’accordent sur sa ressemblance caractérielle avec Mame Cheikh Anta Mbacké, même générosité discrète, même jovialité conviviale.  

Serigne Ibra Mbacké « Ndar » (1975 -1987), ainsi appelé à cause de ses origines saint-louisiennes. Il a laissé le souvenir d’un homme d’ouverture qui a allié l’exercice du Khalifat de Mame Momar Anta Sally et celui de Borom Gawane. Avec lui, Darou Salam s’est adjugé le record des contributions à l’œuvre de Serigne Touba.  

Serigne Samme Mbacké (1987 -1998) connu pour sa haute élévation morale et spirituelle. Il a réfectionné et embelli le mausolée de Borom Gawane et assuré l’extension de Darou Salam. On garde de lui le souvenir d’un homme généreux, désintéressé et hospitalier.  

Serigne Moustapha Thieytou Mbacké (1998-2001) était un érudit doublé d’un travailleur infatigable. C’était la discrétion faite homme. Comme Serigne Saliou, il était ennemi du paraître et des mondanités. Il s’investissait à fond dans les projets porteurs de progrès pour la communauté. D’ailleurs, il était très en phase avec Serigne Saliou dont il partageait les vues et ambitions pour le mouridisme.  

Serigne Hamidoun Mbacké (2001-2009) fils de Soxna Mbacké bintou Mame Mor Diarra Mbacké, grand frère de Serigne Touba et de Serigne Modou Mamoune Mbacké, fils aîné de Mame Cheikh Anta Mbacké, il a assuré le Khalifat de son père 13 ans durant et celui de son grand-père pendant 8 ans. L’histoire retiendra que c’est lui qui a ouvert le Khalifat des petits-fils à Darou Salam. Rappelé à DIEU le soir du dimanche 22 février 2009, c’est Serigne Mame Mor Mbacké, fils de Serigne Tacko qui lui a succédé.  
 
 
Le magal célébré ce 23 août 2016, commémore la rencontre entre Mame Cheikh Anta Mbacké et Serigne Touba lors du retour d'exil de celui-ci...

mercredi 10 août 2016

10 Août 1895 : Cheikh Ahmadou Bamba, de Mbacké Mbari au Gabon

La communauté Mouride célèbre ce mercredi 10 Août le Magal de Mbacké Baari commémorant le départ en exil de Cheikh Ahmadou BAMBA Khâdimou Rassoul.

Suite aux campagnes calomnieuses à l’endroit de Cheikh Ahmadou BAMBA, le Commandant LECLERC, Administrateur du Cercle de Saint-Louis, avait adressé en juillet 1895 une alarmante correspondance à ses supérieurs. Le Gouverneur Général par intérim du Sénégal et Dépendances, M. MOUTTET, expédia alors à Mbacké-Bâri une lettre de convocation au Cheikh qui, empêché, se contenta de déléguer son frère et bras droit Mame Thierno Birahim au dit Gouverneur qui interpréta ce geste comme un affront et un défi à son autorité. 

Ainsi l’Administrateur LECLERC fut-il chargé, à la tête d’une importante troupe composée essentiellement de gardes et de cavaliers dirigés par des chefs indigènes, de s’acheminer vers Mbacké-Bâri aux fins de contraindre par la force le Saint homme à se rendre à ladite convocation. Informé, Cheikh Ahmadou BAMBA dut mander une seconde fois le Cheikh Ibrahim dans le but de dissiper le malentendu. Mais face à la détermination d’en découdre qu’afficha l’Administrateur, l’émissaire du cheikh dut informer celui-ci de l’échec de sa mission ; ce à quoi, Cheikh Ahmadou BAMBA, devinant la trame de la Volonté Transcendante, qui seule pouvait présider à ces événements, confia les siens à la Grâce de DIEU et partit à la rencontre de ses ennemis. 

C’est ainsi qu’il retrouva le plénipotentiaire du Gouverneur dans la localité de Jéwol dans l’après-midi du samedi 10 août 1895. Ce jour de 18 du mois de safar 1313 de l’Hégire constituera, plus tard, celui de la célébration du grand Magal de Touba, car cette épreuve préfigurait déjà aux yeux du Cheikh le Succès et les Avantages Inestimables que le TOUT-PUISSANT Dissimulait dans le Service qu’il comptait effectuer pour le Meilleur des humains (PSL). 

Ayant ainsi passé la nuit à Jéwol, le saint homme reprit, en bonne escorte, son périple le matin du dimanche, fit une escale dans le village de Kokki d’où il s’achemina de nuit vers Louga. De cette localité, il prit, le lundi 12 août, le train pour Saint-Louis qu’il atteignit au crépuscule et où il restera pendant les 10 jours restants du mois de safar et presque tout le mois de Rabi’u-l-Awwal. 

Le Serviteur du Prophète aura à subir sur cette île nombre d’épreuves de la part de ses persécuteurs dont la plus injuste restera sans doute la décision de l’exiler vers les contrées hostiles de l’Afrique Equatoriale. Mais ceux-là qui le bannirent et tentèrent de l’avilir à jamais ne savaient certes pas que le TOUT-PUISSANT s’était LUI-MÊME Prescrit, de toute éternité, le Devoir de Secourir Ses Amis ; et où qu’ils puissent se trouver... 

Le Conseil Privé de Saint-Louis (5 septembre 1895) 

Après son arrestation à Jéwol, le Cheikh Ahmadou BAMBA restera à Saint-Louis jusqu’au jeudi 5 septembre 1895, date à laquelle le Conseil Privé, composé de dix membres réunis dans la salle ordinaire de ses délibérations, décida son internement au Gabon. 

L’Histoire a surtout retenu de ce jour la tempérance du Cheikh dans sa défense contre les chefs d’accusation qui lui furent exposés mais surtout le coeur qu’il eut de parapher au bas du document qui lui fut tendu la sourate Ikhlâs , symbole de l’Unicité Absolue de DIEU comme négation de la Trinité, en guise de signature, mais surtout celui d’effectuer deux rakkas devenues célèbres sur le lieu même de ladite séance. 

Une coïncidence significative fut que ces événements eurent, non seulement, lieu au cours du mois de la Naissance du Prophète (PSL), mois de Rabi’u-l-Awwal ("Gamou") que vénérait particulièrement le Cheikh, mais le Conseil Privé fut tenu le jour de 14 de ce mois qui correspond au surlendemain de l’Anniversaire de la Naissance du Prophète (PSL) pour le Service duquel le Voyage est censé être fait. 

En effet le dernier Messager de DIEU (PSL) est, selon l’hagiographie musulmane, né la nuit du 12 du mois de "Gamou" et a aussi émigré à Médine un jour de 12 du mois de "Gamou". La coïncidence étonnante sera donc que son Serviteur sera aussi appelé à exiler et à entamer le Service qu’il lui destinait au surlendemain de ce jour calendaire correspondant à l’Hégire de son Maître (PSL) ayant eu à subir la même épreuve dans des conditions étrangement similaires relatées par le Coran : "Rappelle-toi lorsque les infidèles complotaient contre toi afin de t’emprisonner ou te tuer ou t’expulser ; ils complotaient alors que DIEU cernait leur plan" (8:30) 

Au cours de son séjour à Saint-Louis Cheikh Ahmadou BAMBA fut l’objet de la sollicitude de nombre de grandes figures musulmanes dont certaines l’exhortèrent vivement à interjeter appel de l’injuste décision ; éventualité à laquelle il ne daigna jamais souscrire car, disait-il : " Je me suffis de DIEU en dehors des roitelets et de Muhammad en dehors de tout autre intermédiaire". 

C’est ainsi que le Serviteur du Prophète fut contraint de quitter l’île de Saint-Louis, le matin du jeudi 19 septembre 1895, correspondant à l’avant-dernier jour du mois de Rabi’u-l-Awwal, pour s’acheminer par chemin de fer vers la ville de Dakar où l’attendaient d’autres péripéties... 

L’Exil au Gabon (1895-1902) 

Une fois prise, à l’issue de la séance historique du Conseil Privé de Saint-Louis, la décision de l’interner au Gabon, Cheikh Ahmadou BAMBA fut transféré à Dakar où il parvint au soir du jeudi 19 septembre 1895.

Installé chez un indigène du nom de Ibra Binta GUEYE, le Cheikh, alors à jeun, se vit aussitôt convoqué par le Gouverneur de Dakar dont le courroux, se déversant sur lui, l’obligea à passer la nuit dans une cellule infecte dont l’inhospitalité marqua si fortement le Cheikh qu’il écrivit plus tard : "Lorsque je songe à ce qui fut décidé, à ce Gouverneur et à ce cachot, me prend aussitôt l’envie de combattre par les armes ; mais Celui qui éfface les péchés [le Prophète] m’en dissuade... " 
Cheikh Ahmadou BAMBA embarqua finalement le samedi 21 septembre 1895 à bord du paquebot "Ville de Pernambouc" sur lequel il aura à affronter d’autres épreuves dont : l’hostilité affichée de l’équipage, la ruée d’un taureau déchaîné vers sa sainte personne et dont il fut miraculeusement préservé etc. 

Une fois aux îles, le Cheikh, selon ses propres dires mêmes, fut sujet à toutes sortes d’exactions et de brimades, et cela tout au long de ses séjours successifs dans la jungle de Mayumba, à Lambaréné et ailleurs. 

La moiteur, le grand nombre de maladies tropicales mais surtout la solitude caractérisant ces lieux firent aussi de ces années les plus éprouvantes de l’existence du Cheikh, isolement perceptible dans nombre de ses écrits où il exprime avec humilité tout son attachement, sa confiance et sa reconnaissance au TRES-MAJESTUEUX de même que sa résolution inébranlable à rester "l’esclave de DIEU et le Serviteur du Prophète (PSL) à demeure". 

N’ayant pour témoins que les éléments, il eut cette poignante profession : "O Océan de Mayumba ! témoigne que je suis l’esclave de [DIEU], Celui qui pardonne les péchés, et que je demeure le Serviteur du [Prophète] Elu ! Témoigne, qu’en tant qu’ami intime du [Prophète], celui qui comble d’honneurs ses amis, je rejette toute forme d’association à DIEU et n’adore que Lui seul !" 

Ces épreuves et d’autres privations que s’infligeait volontairement le Cheikh pour la FACE de DIEU eurent quelques fois pour spectateurs les habitants primitifs de ces contrées ou des indigènes originaires du Sénégal dont certains eurent à lui manifester leur estime ou même à lui faire allégeance. Le Cheikh aura aussi à faire la rencontre, durant l’Exil, de nombre de personnalités marquantes de cette époque, telles le futur premier député d’Afrique Noire Blaise DIAGNE, alors fonctionnaire des Douanes, son disciple et frère Mame Cheikh Anta MBACKE qui avait entreprit le périlleux voyage au Gabon. 

Le Cheikh eut de même à entretenir une correspondance avec l’illustre résistant guinéen, l’Almamy Samory TOURE, déporté depuis 1899 à Njolé, au Gabon, où il trouvera d’ailleurs la mort le 2 juin 1900. Il est rapporté que le Cheikh effectua, lorsqu’il apprit la nouvelle, la prière des morts à son intention depuis Lambaréné, conformément à la Sunna Prophétique . L’ex-Bourba Jolof Samba Laobé Penda, exilé cinq mois après le Cheikh en raison, pour partie, des relations le liant à celui-ci, eut aussi à le retrouver au Gabon. 

Cette période fut également marquée par l’abondance des Dons Mystiques Incommensurables procédant de DIEU, Faveurs Insignes se traduisant par une Elévation à des degrés spirituels inouïs et inédits que démontre la profusion littéraire des années dites " maritimes" ; richesse le rangeant de facto parmi les auteurs les plus prolifiques, sinon le plus prolifique, du monde musulman. Ainsi aura t-il à répondre beaucoup plus tard à son fils Cheikh Muhammad-al-Bachir MBACKE qui le questionna un jour sur cette époque : "[Au cours de cet exil] ma connaissance gnostique s’est accrue, mon arrivée à DIEU (wusûl) s’est confirmée, ma certitude a atteint de nouveaux degrés et j’ai obtenu des Grâces Infinies"... 

Au cours de cette période la jeune communauté mouride eut à affronter l’une des premières épreuves les plus pénibles de son histoire car, la déportation de son guide ayant entamé l’engagement de certains, il y eurent des désaffections contrastant singulièrement avec le regain d’assurance et de triomphalisme de leurs adversaires qui, excès d’acharnement et de cruauté, n’hésitaient pas à distiller des rumeurs sur la disparition de Cheikh Ahmadou BAMBA. 

Mais regroupés autour de leurs principaux cheikhs désignés par Khadimou Rassoul à son départ : Mame Thierno Birahim assumant la direction des enseignements, Cheikh Ahmadou NDOUMBE préposé à la supervision des travaux champêtres, Cheikh Ibrahima FALL et d’autres figures emblématiques de la Muridiyah, les adeptes réussirent à préserver intacte leur foi en l’Inéluctabilité du Secours Divin et au triomphe de la Vérité sur l’erreur. 

Par ailleurs les efforts que ne cessa de consentir le Cheikh Ibrahima FALL, resté à Saint-Louis, réussirent à convaincre le futur député CARPOT entre autres de la parfaite innocence de Cheikh Ahmadou BAMBA au point qu’il s’engagea à réhabiliter celui-ci à son élection. La chose faite, le Serviteur du Prophète put, par la Grâce de DIEU et Sa Volonté Bienveillante, rentrer au Sénégal le mardi 11 novembre 1902 à bord du navire "Ville de Maceïo", après un peu moins de huit années exil. 

L’on peut aisément imaginer l’extraordinaire effervescence qui accueillit au port de Dakar, puis dans le reste du pays le retour de "celui qui est revenu des contrées d’où l’on ne revient pas", grâce à la Seule Puissance de DIEU, qui n’a point, encore une fois, manqué à Sa Promesse de "secourir les Croyants"...