dimanche 21 septembre 2014

LE SILENCE D'OR DE CHEIKH SIDY MOUKHTAR [Par A. Aziz Mbacké Majalis]

Ce qui ne manque de frapper un observateur attentif de la vie publique au Sénégal, dans l'attitude exemplaire du Khalife des mourides, c'est le contraste entre son silence et « sa constance cultuelle », et l'actuelle effervescence médiatique et politique extraordinaire s'amplifiant autour de lui.

En effet, fidèle à sa tradition d'accompagner dans la capitale les pèlerins qu'il envoie tous les ans, sur un Ndigël explicite de Serigne Touba à lui (selon ses propres termes), aux Lieux Saints de l'Islam, le Khalife des mourides démontre une fois de plus son attachement pour le HAJJ, l'un des piliers les plus importants de l'Islam. Profitant de ce séjour annuel, il vient de procéder à une longue visite de chantier de la MOSQUÉE Masâlikul Jinân dans laquelle il a déjà dépensé, sur fonds propres, plusieurs milliards et qui lui tient particulièrement à cœur. Au même titre d'ailleurs que la réfection et l'embellissement de la MOSQUÉE de Touba, en même temps que la construction actuellement en cours de deux nouveaux minarets au sein de cet édifice historique.

Ceux qui vivent quotidiennement avec Serigne Cheikh Maty Leye sont également frappé par sa détermination à observer, en toutes circonstances, les cinq PRIÈRES canoniques, de même que ses séances quotidiennes de lecture du CORAN (waqaf) dont aucune activité sociale ne peut déranger la régularité. Que dire de sa remarquable capacité de détachement des richesses, ces biens matériels qui nous obnubilent tous actuellement ? N'hésitant pas à offrir gracieusement un milliard de francs aux sinistrés des inondations catastrophiques de 2012, tout en continuant à préférer bizarrement ses habitations campagnardes et ses baraques dont le caractère rustique, pour le moins que l'on puisse dire, rebuterait le moindre de nos petits millionnaires. Aussi bien son éducation que ses expériences de vie, souvent pénibles, rapportées par ses proches, et les nombreuses épreuves qu'il a patiemment traversées, sans jamais céder aux choix faciles mais indignes, l'avaient, il faut dire, préparé à ne jamais faire confiance aux multiples tentations offertes par ce monde tourbe par essence...

Son attitude nous rappelle, de façon assez troublante, celle de Serigne Saliou. Troublante, surtout pour tous ceux, nombreux parmi nous, aussi bien chez les mourides que les non mourides, qui prédisaient, de façon tacite ou explicite, la décadence inévitable de la Voie avec l'avènement de « l'ère des petits-fils » (« ordinarisés » par la République). Ère qui, dans leur schéma, serait inévitablement marquée par l'impossibilité de perpétuer l'œuvre des vertueux enfants du Cheikh, ces « Califes Orthodoxes » uniques. Tellement la contradiction entre les hautes qualités de ces derniers et le comportement quelques fois douteux de nombre de leurs descendants semblait insoluble et n'offrait que l'alternative « kennaliste » des qasidas. Nous obligeant même, lors de la disparition dramatique de Cheikh Saliou (l'un des événements les plus traumatisants pour notre génération), à écrire, nous fondant essentiellement sur notre foi en Serigne Touba et sur nos longues recherches sur ses enseignements, un article aujourd'hui ô combien prémonitoire, « Hommage à Cheikh Saliou : LE COMBAT CONTINUE...»

Serigne Cheikh Maty Leye est entrain de démontrer que ce COMBAT pour la Cause de Dieu peut non seulement continuer (que « Yes, new murids can »), mais DOIT absolument continuer. À condition simplement que les mourides actuels et futurs, leur leadership au premier chef, comprennent d'avantage leur responsabilité religieuse, restent constamment attachés aux principes de Science, de Ibâdâ (Adoration exclusive de Dieu) et de Khidma (Service des créatures pour la Face de Dieu) légués par Cheikhoul Khadim. Et qu'ils ne se laissent pas emporter par le clinquant de ce bas-monde, par la courses aux richesses matérielles, aux honneurs futiles et aux plaisirs illicites qui motive désormais un grand nombre d'entre nous.

La détermination de Baye Cheikh à accomplir, en silence et sans céder au diktat médiatique des répliques perpétuelles, sa mission, nous rappelle étrangement le précieux enseignement de Cheikh Saliou, lorsqu'il fut interrogé sur son « mutisme dérangeant » face à certains amalgames médiatiques dans lesquels son nom était souvent cité sans aucun démenti de sa part : « Quiconque commet l'erreur de vouloir systématiquement démentir les fausses informations dans lesquelles il est cité, risque d'y être à jamais condamné. Car à chaque qu'il manquera de le faire, il aura, ce faisant, accrédité tacitement la véracité de cette information... » Quel credo plus extraordinaire pour tout leader éclairé que cette stratégie de la communication par l'action et de la parole opportune de Serigne Saliou ? Alterner harmonieusement, en orfèvre de la Vérité, l'argent de la parole à point et l'or du silence actif...

C'est pourquoi ce silence de Serigne Cheikh Maty Lèye, qui privilégie l'action à la parole, nous interpelle. Nous surtout, de la génération des médias tapageurs et people, génération des forums sulfureux de Seneweb et des posts interactifs de Facebook, celle des polémiques infinies et souvent stériles à la sénégalaise (où une nouvelle polémique en chasse toutes les semaines une autre, sans que l'on ait même le temps d'en tirer des leçons ou de solutionner les problèmes posés). Nous, la génération 2.0, « Nouveaux Types de Mourides » (NTM), dont les prétentions théoriques et verbales sont souvent loin, très loin même, hélas, de correspondre à la rigueur de la pratique et aux qualités d'un véritable « Mouride Type Sadikh » (MTS). Ces modèles, vrais « aspirants à Dieu » (Murîdu Lâh), qui n'avaient pour seule motivation, à travers l'agrément de Serigne Touba, que la Face exclusive de Dieu. Attitude qui les distinguait des faux mourides, ces « aspirants au bas-monde » (Murîdu Dunyâ) dont le comportement en faisait en réalité et au fond des « renonçants à Dieu » (Marîd).

« Certains d'entre vous aspirent à la vie de ce monde, alors que d'autres aspirent à la Vie de l'Au-delà (Minkum man yurîdu Dunyâ wa minkum man yurîdu âkhira) » (Coran 3:152)

L'attitude de détachement de Serigne Sidy Moukhtar, semblable à celle de ses vertueux successeurs et de tous les véritables dignitaires et disciples qui représentent le véritable Mouridisme, contraste, il faut dire, avec le tumulte médiatique des nombreux « Mourides du bas-monde ». Ces faux « aspirants » qui, en réalité, n'aspirent, à travers leur activisme débordant et leur visibilité médiatique auprès du Khalife, que l'amélioration de leur « image » devant l'opinion publique, une force de pression symbolique sur les institution ou l'électorat, et un trafic d'influence « marketing » générateur potentiel de subsides directs ou indirects auprès des partenaires. N'hésitant même pas, pour certains d'entre eux, à surexposer médiatiquement leurs « ziars politiques » ou « business sujoot », au moment où d'autres choisissent d'en faire une plateforme de communication politique, aidés en cela par des « chevaux de Troie » bien placés dans le système mouride. Manipulant, exagérant les faits, en inventant, rédigeant eux-mêmes, à l'avance, dans leur gueguerre juridico-politique, des articles et des revues de presse déstabilisateurs pour l'autre camp. Contenus repris triomphalement par leurs propres médias et propagés à dessein sur les réseaux. Sans même donner à l'opinion mouride (souvent pas suffisamment éclairée) les outils adéquats de vérification et de recoupement de l'information. Épaississant d'avantage leur compréhension des véritables enjeux du pays et les éloignant, ce faisant, de l'essentiel, au profit de nos « sénégaléjades » sans issue, et de nos « débats » souvent fort biaisés et sans sens du recul.

Qui perd le plus dans cette histoire ? Les politiciens qui, quoiqu'ils advienne, se retrouvent presque toujours ensemble et pactiseront, d'une manière ou d'une autre, un jour sur le dos du peuple ? Les citoyens sénégalais qui se laissent embarquer, sans aucun véritable pouvoir de contrôle et de recul, dans des stratégies complexes d'orientation et de manipulation de l'information à travers les symboliques religieuses ?

N'est-il pas temps, pour nous autres NTM, de nous rappeler les adages mourides si chers à Cheikh Ibra et que semble nous rappeler quotidiennement Baye Cheikh ? Ces maximes qui ont permis à nos prédécesseurs sur la Voie de Dieu de réussir, contre vents et marrées, à établir solidement les fondements de la vraie Religion dans ce pays :
« Kuy jëf ba raw la, manoo wax ba dab ko »
« Jëf jël, ñàkk jariñu »
« Jéema waar nit ñi, fexe ba ku la gis waaroo ko gën ».

N'est-il pas enfin grandement temps pour nous de PARLER moins et de renouer avec la philosophie de l'ACTION et du PASTÉEF ?

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